Drame du lycée bilingue de Deido : la faute aux parents ?

Article : Drame du lycée bilingue de Deido : la faute aux parents ?
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15 avril 2019

Drame du lycée bilingue de Deido : la faute aux parents ?

Le 29 mars dernier, un élève du lycée bilingue de Deido, situé dans la ville de Douala au Cameroun, a été poignardé à mort par un de ses camarades pour une histoire floue de téléphone portable. Transporté aux urgences de l’hôpital de district de Deido, l’infortuné a rendu l’âme quelques instants après. L’indignation qui a suivi ce drame a peu à peu laissé place à des analyses plus ou moins tordues dans lesquelles on a vu certains enseignants rejeter le tort sur les parents et sur les autorités gouvernementales, oubliant les premiers concernés : le personnel administratif du lycée en question.

Le laxisme inquiétant

C’est vrai, les parents ont leur part de responsabilité dans l’éducation de leurs enfants, et je suis d’avis qu’ils négligent de plus en plus ce rôle pour diverses raisons – dont aucune n’est convaincante selon moi – mais cela n’empêche en rien les professionnels de l’éducation que sont les enseignants de bien jouer le rôle qui est le leur.

Dans les établissements scolaires, ce qu’on observe a de quoi inquiéter : la discipline n’est plus l’affaire de personne. Les personnels en charge, quand ils ne sont pas indifférents à tout ce qui se passe dans l’établissement, se rangent du côté des élèves au mépris du règlement intérieur. Aujourd’hui, le copinage entre élèves et enseignants est devenu la règle, et bien sur la discipline en prend un coup.

L’élève, en fin de compte, devient de plus en plus audacieux et finit par être celui qui fixe les règles dans l’établissement. Les cas d’insolence, ces dernières années, se sont tellement multipliés qu’il n’est même plus choquant de voir un élève insulter ou même porter la main sur son enseignant.

Il y a quelques jours encore, les élèves du lycée bilingue de Ngalbidje, dans la région du Nord Cameroun, décidaient d’en découdre avec madame la proviseure de l’établissement, qui s’est cassé une jambe en essayant de s’enfuir. Plus récemment encore, c’est un élève qui est venu à l’école avec une machette avec pour objectif de régler son compte à un enseignant. Il y a également le cas de cet élève qui a eu le courage d’afficher un communiqué dans son établissement dans lequel il promettait la bastonnade à son surveillant général.

La faute des parents ?

Je l’ai dit plus haut, les parents ne sont pas totalement innocents dans ce qui se passe dans nos écoles. Ils ont leur part de responsabilité dans le sentiment de toute-puissance qui anime leurs enfants, car dans certains cas, ils cautionnent les frasques de leurs rejetons sans jamais les en blâmer.

Un exemple récent, c’est celui du commandant de brigade de Mayo-Oulo dans la région du Nord Cameroun qui, accompagné de sa femme, s’est rendu au lycée où sa fille était élève pour molester le surveillant général qui avait, paraît-il, puni cette dernière. Une telle attitude, que beaucoup de parents ont adoptée, n’est pas de nature à montrer à l’élève qu’il doit se plier au règlement intérieur et à l’autorité du personnel enseignant.

La plupart des parents pensent, à tort, que le fait de payer la pension à leurs enfants leur donne tous les droits. C’est la raison pour laquelle, même quand un enfant est renvoyé, les parents se contentent de chercher à le réinscrire, dans le même établissement ou dans un autre, et laissent le reste du travail aux enseignants tout en ne leur permettant pas d’user de tous les moyens pédagogiques dont ils disposent pour éduquer ces enfants.

L’action des parents est toutefois limitée. En effet, ils n’ont vraiment de l’emprise sur leurs enfants que dans le cercle familial – sauf pour ceux qui sont enseignants, bien entendu. C’est pour cela que leur responsabilité dans les drames comme celui du lycée bilingue de Deido est très limitée.

Le corps enseignant fautif

Pour rester sur le cas de l’assassinat de ce jeune garçon au sein de son établissement, accuser les parents c’est essayer de rejeter ses propres fautes sur l’autre. Ce qui se passe dans l’enceinte d’un établissement scolaire est de la responsabilité du chef d’établissement. D’après ce qui se dit, c’est une affaire de téléphone portable qui a conduit au drame. Or, les téléphones portables sont interdits dans l’enceinte des établissements scolaires au Cameroun. Qui a donc permis à un élève d’entrer au lycée avec un objet interdit ? Certainement pas son parent.

Ensuite, les trois élèves impliqués dans l’assassinat auraient déjà été renvoyés de l’établissement. Comment ont-ils fait pour y revenir ce jour-là ?

Autant de manquements à la discipline et à la sécurité à l’intérieur de l’établissement qu’on ne saurait imputer aux parents, car même si ces derniers avaient donné une éducation approximative à leurs rejetons, cela n’aurait pas justifié que l’établissement manque à ses obligations, et le cas échéant, ce serait de la mauvaise foi d’aller accuser les parents de ce qui se passe à l’intérieur de l’établissement.

C’est comme ce cas dont j’ai eu vent dans un établissement de la ville de Mbalmayo, où des voyous ont pris l’habitude d’escalader les murs de l’établissement pour aller racketter les élèves du lycée en pleine journée et aux heures de cours. Est-ce également la faute des parents ? Non, l’établissement scolaire DOIT assurer la sécurité des élèves pendant les heures et jours de cours tant qu’ils sont dans l’enceinte de l’établissement.

Restaurer l’autorité de l’enseignant

Il est nécessaire, pour réduire au maximum les incidents qui surviennent de plus en plus dans les établissements scolaires au Cameroun, de restaurer l’autorité de l’enseignant.

Les parents peuvent donner à leurs enfants l’éducation qui leur convient, bonne ou mauvaise, ça ne change en rien la mission de l’école qui est de former un certain type de citoyen, tel que défini dans la politique éducative. Pour que cette mission soit menée à bien, il est impératif que les établissements scolaires redeviennent ce qu’ils n’auraient dû jamais cessé d’être : les lieux de formation où les uns guident les autres vers les savoirs tout en étant respectés pour ce qu’ils sont, des enseignants.

Un parent ne viendra vociférer sur un surveillant général que si on lui en donne l’occasion. Un élève insolent qu’on renvoie d’un établissement scolaire deviendra encore plus insolent s’il est accepté dans un autre lycée en échange de quelques billets de banque. Les drogues et autres substances illicites qui pullulent désormais dans nos lycées ne s’y faufilent qu’à cause du laxisme et parfois avec la complicité active ou passive de l’administration scolaire. La détention et l’usage d’objets interdits au sein de l’établissement se fait au vu et au su de tous, sans que personne ne songe à remettre les choses en ordre.

Ce sont autant de points à régler pour que discipline et sécurité soient restaurées dans les établissements, afin que l’apprentissage se passe dans de meilleures conditions, et que les incidents soient l’exception et non la règle comme c’est le cas depuis plusieurs années.

Photo d’illustration : lyceebilinguedeido.cm

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Commentaires

achille f. fotso
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je pense que les responsabilités sont partagés,parents et enseignants.mais cependant la plus grand part revient au système educatif,le civisme a foutu le camp, il faut penser au rearmement civique de tous ,

Fotso Fonkam
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L'éducation est la responsabilité de tous, parents comme enseignants. Mais à la seconde où un élève franchit le portail de son établissement scolaire, il est entièrement à la charge de l'établissement. C'est pour cela que je refuse qu'on attribue une quelconque part de responsabilité de la mort de cet enfant aux parents. Admettons donc que l'école soit responsable, quelles mesures ou sanctions a-t-on prises pour gérer la situation ? On a bien vu comment le MINSANTE a suspendu les dames qui ont fait des vidéos et limogé le directeur de l'hopital de district de Déido. Du coté de l'éducation, on a accusé les parents et on est passé à autre chose. Entre temps, un enseignant a été bastonné le premier jour de la rentrée du 3e trimestre dans un établissement public de la place. Pour dire que rien n'a changé en fait

Le Varan du Kwat
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A chaque fois qu'il y a un problème on passe le plus clair du temps à accuser autrui sans se remettre en question. Alors les mêmes causes vont produire les mêmes effets

Fotso Fonkam
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Exactement. Sans une remise en question des pratiques en cours dans les lycées et collèges jamais on n'apportera une réponse efficace au problème de sécurité dans les établissements scolaires au Cameroun