La paille que la religion voit dans l’œil des traditions africaines… – #TBC
La dernière fois que je suis allé à l’Église, c’était il y a très très longtemps. Depuis j’ai arrêté, peu convaincu par ce que j’y voyais ou entendais. Mais, quand j’entends les fervents chrétiens me dire avec tout le sérieux dont ils sont capables que les traditions africaines sont des pratiques diaboliques, j’ai bien envie de leur rire au nez. Je le fais très souvent, d’ailleurs. Oui, car en réalité, quand j’essaie de faire la comparaison, je me demande bien où est la différence entre les traditions africaines et les pratiques chrétiennes spécifiquement.
Bon, je vous explique : depuis ce mois, je suis devenu membre de The Blog Contest. C’est un groupe de blogueurs qui chaque 20 du mois, publient des billets sur un thème imposé par leurs lecteurs sur la page Facebook du groupe – abonnez-vous à la page pour proposer et voter pour vos thèmes. La saison 2 commence ce mois et comme vous pouvez vous en douter, le thème imposé est « Religions monothéistes vs traditions africaines ». Précision faite, revenons à nos affaires…
L’un des reproches que la religion fait aux traditions africaines, c’est le l’interaction avec les ancêtres morts. De nos jours c’est assez rare (dans les zones où j’ai vécu, du moins), mais c’est encore possible d’entendre des gens s’adresser aux morts comme s’ils étaient là, avec eux. Généralement, on leur demande d’intercéder pour nous auprès de Si’ (Dieu), on sollicite leur aide, leurs conseils en cas de difficulté. Et ça, la religion en a horreur, paraît-il.
Et pourtant, les chrétiens font exactement la même chose
Certaines religions sont très friandes de prières aux Saints. En cas de problème, on adresse des prières à saint X, à saint Y ou à sainte Z. J’avoue que j’ai de la peine à comprendre ces gens qui affirment que Dieu ne tolère pas qu’on s’adresse aux morts et qui dans la seconde qui suit sont en train de demander de l’aide à un saint qui pourtant est mort depuis belle lurette. D’ailleurs, qui l’a déclaré saint ?

Quand j’étais jeune, il y avait dans mon quartier un arbre dont nous raffolions des fruits – On appelait ça le tchanwan. Je me souviens qu’à chaque fois que les grimpeurs descendaient de l’arbre, ils laissaient quelques fruits au pied de l’arbre, en guise d’offrande. J’imagine la colère qu’aurait piquée un fervent chrétien face à cet acte de « sacrifice » ! Mais en même temps, on semble oublier qu’Abraham fit des sacrifices à Dieu lui aussi, de même que plein d’autres personnages de la bible. Maintenant, ce qui change c’est l’autel – les cueilleurs n’offraient pas les tchanwan à l’arbre, mais bel et bien à Dieu.
En Afrique, comme dans la plupart des cultures, il existe un seul Dieu. Dans ma langue par exemple, il y a une seule façon d’appeler l’être suprême. Chez moi, on dit Si’, Dieu. Il n’y a jamais eu un autre terme censé désigner un autre dieu ni même un sous-dieu ou bien une autre entité divine. Ceci vient battre en brèche toutes les accusations de paganisme et d’animisme dont on affuble les pratiques religieuses africaines. Sachez-le, en Afrique nous sommes monothéistes. Comme les chrétiens et les musulmans.

Dans certains esprits, quand on parle d’Afrique, on parle de marabouts, de devins, de diseurs de bonne aventure. Inutile de dire que Dieu réprouve de telles pratiques – dixerunt les chrétiens. Mais j’aimerais savoir, c’est quoi un prophète ? N’est-ce pas un diseur de bonne aventure, un marabout capable de prédire l’avenir et de dévoiler le passé ? Quelle différence y a-t-il entre ces derniers et les devins de mon village ? D’ailleurs, dans ma culture, on les appelle Nkam Si’, c’est-à-dire « notable de Dieu ». Y a-t-il meilleure traduction du terme « prophète » dans son sens biblique ?
Je trouve absurde de diaboliser certaines pratiques religieuses et culturelles africaines, surtout quand c’est fait par les Africains eux-mêmes. Car prétendre que l’Africain ne peut pas louer Dieu à sa manière revient à enlever aux Africains toute possibilité de contact avec Dieu qui pourtant s’est manifesté en Égypte à travers Moïse. Ce serait réducteur, insultant même de penser que seules certaines nations ont la possibilité d’avoir des prophètes, des saints. Dieu n’a pas de couleur, pas de race, pas de tribu ni de pays. En conséquence, chaque peuple a sa façon bien à lui de l’honorer.
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En bonus, cet article de Thierry Sanzhie Bokally
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