Et si c’était la faute aux enseignants ?
Aujourd’hui c’est le 5 octobre, journée mondiale des enseignant(e)s, une journée que les enseignants camerounais ont tôt fait de transformer en fête. Les enseignants camerounais sont fiers – ou alors devraient l’être – car ce sont eux qui ont fait des grands de ce pays ce qu’ils sont. Voilà l’excuse qui m’est brandie chaque fois que je dis à des collègues ou amis qu’il n’y a aucune raison de fêter cette journée.
Pour beaucoup, on devrait se réjouir d’avoir contribué à la formation de millions de Camerounais, parmi lesquels les hautes personnalités du pays. Pour beaucoup, on mérite de porter ces tissus bon marché et presque transparents, d’aller boire des bières et manger des morceaux de poulets (trop cher payés à cause de la grippe aviaire), parce que c’est nous qui avons fait de ces millions de Camerounais ce qu’ils sont ou seront.
C’est amusant, mais quand je regarde le type de Camerounais que nous nous réjouissons d’avoir formés, et que nous continuons à former, je me dis qu’on a un sérieux problème, nous les enseignants.
Au fil des années au Cameroun, le niveau scolaire ne cesse de baisser. L’orthographe, la grammaire, sont sacrifiés sur l’autel de l’ignorance. Et malgré les nombreux subterfuges que l’Office du Baccalauréat met sur pied pour rajouter des points aux candidats lors des examens, les pourcentages de réussite aux différents examens restent inquiétants (Oui, 50% ce n’est pas assez). Tout ceci se fait avec le concours des enseignants – tiens donc ! – qui regardent l’OBC faire sans protester.
Quand je regarde le Cameroun, je vois un pays où les « hautes personnalités » détournent l’argent public, usent de leur influence pour profiter des failles du système pour se remplir les poches tandis qu’autour d’eux le peuple misère. Comment peut-on être fiers d’avoir formé des personnes qui font tout pour mettre le pays à genoux ? Comment peut-on se réjouir d’avoir formé des Camerounais qui laissent mourir leurs semblables tous les jours dans les hôpitaux parce que ces derniers n’ont pas de quoi payer dans l’immédiat ?
Au Cameroun, des milliers de jeunes, bardés de diplômes finissent sans emploi. Et, nous qui les avons formés (à faire quoi, finalement ?), nous devons nous réjouir d’en avoir fait des sans emploi. Nous méritons ces bières, car grâce à nous, le taux de chômage est en hausse chaque année, et le nombre de braqueurs augmente. Si au moins nous avions honte, nous enseignants !
Enseigner, c’est beaucoup plus que transmettre des savoirs. Je le disais encore ce matin sur Twitter : l’enseignant ne se contente pas de transmettre le savoir. Il transmet également le savoir-être à ses apprenants. Et, quand on regarde comment les Camerounais se comportent au quotidien, on comprend que sur ce point-là nous avons échoué depuis le début.
@ElleCitoyenne @AnneK_Siade @PierreChrist_ l’enseignant transmet le savoir mais aussi le savoir être. En terme de savoir être on vaut ZÉRO
— willfonkam (@petit_ecolier) 5 octobre 2016
Mais ce n’est pas étonnant qu’on ait échoué. Il suffit de nous voir nous réjouir chaque 5 octobre alors qu’on a des problèmes nettement plus urgents dans la profession pour comprendre que le savoir-être que nous allons transmettre à nos apprenants doit être remis en question. Car en fin de compte, le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre.
Et si c’était la faute aux enseignants ? Les détournements, la corruption, le trafic d’influence, le vol, l’ignorance… Et si les enseignants étaient à blâmer, eux qui passent chaque jour plus de temps avec nos enfants que nous-mêmes ? Et s’ils étaient responsables de tous les maux qui minent notre société ?
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