Crise anglophone : ces « nouveaux anglos » qui enveniment les choses

Article : Crise anglophone : ces « nouveaux anglos » qui enveniment les choses
Crédit:
11 septembre 2017

Crise anglophone : ces « nouveaux anglos » qui enveniment les choses

La crise anglophone au Cameroun a fait naître une nouvelle catégorie de camerounais qui semblent avoir fait leurs les revendications de nos compatriotes de la partie anglophone du pays. Ce qui au départ était simplement un formidable élan de solidarité envers les populations des régions anglophones qui subissaient le courroux injustifié et excessif des autorités gouvernementales semble se transformer en une campagne de dénigrement qui, à dire vrai, ne contribue pas à la résolution de la crise.

« Je suis anglophone »

C’est un slogan qu’on retrouve souvent en bas de certaines publications sur les réseaux sociaux, notamment sur facebook et twitter. Et, dans la majorité des cas, ceux qui l’emploient sont originaires de l’une des régions dites francophones du pays.

On connait tous l’histoire de cette formule depuis les attentats de Paris, et c’est donc évident que la formule est employée pour montrer sa sympathie envers des personnes éprouvées ou qui vivent une situation difficile. Récemment, d’ailleurs, Me Akéré Muna a publié sur sa page facebook un texte intitulé « Deuxième lettre à mes Sœurs et Frères et Francophones » dans lequel il invitait les francophones à montrer leur solidarité envers leurs frères anglophones en proclamant « Je suis anglophone » sur les réseaux sociaux.

Violence verbale sur les réseaux sociaux

Le problème c’est que, avec le temps, ce beau slogan a commencé à être utilisé dans des publications ou la population dite francophone du pays était dénigrée, insultée, rabaissée… Avec le temps les choses ont empiré, et, même si le slogan n’était plus utilisé ceux qui avaient, par son utilisation, acquis une nouvelle nationalité – anglophone – continuaient à publier pour invectiver les autres francophones du pays.

« Les francophones sont des lâches », « Je regrette d’être francophone », « Les francophones sont la malchance de ce pays »… Voilà quelques exemples parmi les moins violents, de publications qui pullulent sur les réseaux sociaux, et qui proviennent de ceux que j’appelle – pour les railler, je l’avoue – les « nouveaux anglos ».

Reconnaître un « nouveau anglo »

Comment reconnaître un nouvel « nouveau anglo » ?

  1. Déjà, il est francophone, c’est-à-dire originaire de l’une des huit régions où le français est plus utilisé.
  2. Ensuite, il vit à Yaoundé, à Douala ou n’importe où ailleurs, mais pas dans les régions anglophones. Dans la grande majorité des cas, il n’a même jamais mis pied dans l’une de ces régions-là. Et il n’en savait pas grand chose jusqu’à ce que la crise prenne de l’ampleur.
  3. Il ne poste jamais (ou très peu) en anglais sur les réseaux sociaux mais passe son temps à parler des bienfaits de l’anglais et de l’avance que les pays anglophones ont sur les pays francophones. Depuis le début de la crise, il n’a pas pensé à prendre des cours d’anglais pour montrer le bon exemple aux autres francophones et aux autorités gouvernementales.
  4. Il critique le système éducatif actuel et soutient que les cours ne doivent pas reprendre dans sa nouvelle région d’adoption, pourtant il envoie ses propres enfants à l’école.
  5. Il encourage et félicite les villes mortes et applaudit parfois les casses et les autres actions violentes perpétrées dans les régions anglophones, pourtant, chez lui à Yaoundé, à Douala ou en Europe, il va au travail, ouvre sa boutique, paie ses impôts sans regimber, et respecte les autorités administratives.
  6. Il n’a jamais ni initié ni pris part à une action concrète sur le terrain. Son domaine d’action c’est Facebook, son langage c’est l’insulte et l’invective.
  7. Il considère tous ceux qui ont un avis différent du sien sur la question anglophone comme des ignorants qui n’y comprennent rien. Il n’écoute pas leurs arguments et n’hésite pas à les insulter sur les réseaux sociaux, non sans menacer de les bloquer s’ils le contredisent.

Faire empirer la situation

L’attitude des « nouveaux anglophones » sur les réseaux sociaux, loin d’aider à l’apaisement des tensions, tend à donner un autre dimension à la crise. Dans son principe, la crise anglophone pose le problème de la gestion des ressources, de l’égalité des chances d’accès à l’emploi, de qualité de l’éducation, etc. C’est donc un problème qui concerne directement le gouvernement actuel et la façon dont le pays est géré depuis les indépendances.

Malheureusement, les nouveaux anglos, par leurs invectives, leurs insultes et leur évidente mauvaise compréhension ou interprétation du problème de fond, en ont fait un problème entre les francophones d’un côté, et les anglophones de l’autre. Il n’est désormais plus question de revoir la politique éducative, ou bien l’état des routes, il est désormais question de savoir qui est plus lâche entre les francophones et les anglophones, qui fait plus de fautes que l’autre, ou encore qui s’est plus sacrifié que l’autre dans ce pays.

Le nouveau anglophone a déplacé le problème. Pire, il a créé un autre problème sans avoir résolu le premier. Il oppose tous les jours francophones et anglophones, insultant les premiers et glorifiant les deuxièmes.

Le « nouveau anglo » idéal, selon moi

Je pense que les nouveaux anglos devraient appliquer ce qu’ils conseillent à leurs nouveaux frères. C’est le meilleur moyen de montrer sa solidarité. Publier sur Facebook pour insulter les francophones qui ne sont pas l’objet des revendications ne sert à rien. Le « nouveau anglo » idéal devrait protester contre la mauvaise qualité de l’éducation en retirant également ses enfants des écoles. Il devrait se plaindre de la mauvaise gestion des ressources en fermant sa boutique ou en ne payant pas les impôts. Ce serait plus logique et en accord avec les publications qu’il fait sur les réseaux sociaux.

Partagez

Commentaires

Anne Marie C. Befoune
Répondre

Ce que je prends avec moi:

Le nouveau anglophone a déplacé le problème. Pire, il a créé un autre problème sans avoir résolu le premier.

Fotso Fonkam
Répondre

Oui ça résume assez bien l'article

Mireille Flore Chandeup
Répondre

Mon frère, merci pour ce billet! Leurs propres enfants vont à l'école, mais ils trouvent normal que plusieurs autres n'y vont pas. Après, tu es traité de "ce francophone qui n'y comprend rien" humm.

Fotso Fonkam
Répondre

C'est étonnant. On dit, et c'est fort à propos, que les conseillers ne sont pas les payeurs.

Sergeobee
Répondre

D'un cynisme Sergeobee-ique...
D'une pertinence douloureuse...
J'aime et je copie sur mon blog!

Fotso Fonkam
Répondre

Hahaha en effet en relisant le billet j'ai pensé à toi. Je me suis dit que tu avais dû m'influencer pendant la rédaction. Merci pour le partage

Bikanda
Répondre

J'ai lu.
Il est fait mention dans ce billet d'opinion, de nationalité anglophone. Je découvre donc.qu'il y aurait une nation dont les citoyens sont ainsi baptisés.

Il est également fait abstraction des particularités de notre pays, notamment de Foumban et de ce qui y a été conclu.

Il est fait abstraction de beaucoup de choses, et clin d'oeil est fait à une tendance extrémiste au détriment d'une autre, vouée aux gémonies.

Oui, il y a dans les deux camps des colombes et des faucons.

J'encourage toute prise de parole tendant à réconcilier un peuple qui a mal à son histoire, lequel mal entame son Vivre ensemble.

Ecclésiaste Deudjui
Répondre

J'attends toujours ma bière pour les droits d'auteur hein :-) :-) :-) :-) :-) :-) :-)
Pour être plus sérieux, je pense que les "nouveaux anglos" agissent exactement comme ces pseudo-nationalistes de la diaspora qui nous demandent de brûler le pays alors qu'ils sont tranquillement installés au chaud devant leurs ordinateurs portables là-bas en Occident...

Melea
Répondre

Magnifique Grand frère le nouveau anglophone a vraiment empiré les choses...Mais un jour les vrais anglophones comprendront que ce n'est que de l'hypocrisie...

Ateba
Répondre

Les apprentis sorciers dont parlaient quelqu'un. Il serait grand temps de les mettre à nu.