Après Biya, ce sera Biya (si on n’y prend garde)
Cela fait plusieurs mois déjà qu’au Cameroun des voix s’élèvent, exigeant le départ de Paul Biya, président à vie du Cameroun. C’est d’ailleurs le cas un peu partout en Afrique. Que ce soit au Togo, en RDC ou au Burundi le peuple semble fatigué de la misère dans laquelle il vit. C’est pour cela que, ici et là, on recherche meilleur moyen – les urnes pour les uns, la rue pour les autres – pour chasser ces tyrans de la tête de l’État. Pourtant, je pense que, quelque soit la méthode utilisée, si on ne fait pas attention, ce sera Paul Biya qui succèdera à Paul Biya.
Le Cameroun est un pays qui, en 33 ans, n’a pas beaucoup avancé. Au contraire, au fur et à mesure que le temps passe, les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles, le coût de la vie de plus en plus élevé, et l’emploi de plus en plus rare. La corruption et les détournements sont devenus les seuls moyens d’obtenir même ce qui nous revient de droit. Les hôpitaux sont des mouroirs et les écoles des écuries où on dispense tout sauf le savoir. Et depuis, depuis longtemps, on se plaint, on murmure, on chuchote, certains crient même : « BIYA MUST GO », « PAUL BIYA DÉGAGE ! »
Oui, Paul Biya must go, et Paul Biya dégagera. Mais si les Camerounais ne sont pas vigilants, Biya partira, et Biya lui succèdera.
Si au Cameroun – comme partout en Afrique –, nous continuons à croire que tous nos problèmes, de toute notre misère, sont causés par un seul homme (qu’il s’appelle Biya, Faure, Nkurunziza, Boni ou Kabila), alors nous risquons d’être très surpris – la surprise va nous surprendre, comme on dit ici. Paul Biya n’est pas le problème du Cameroun. Ou plutôt, Biya est bel et bien le problème du Cameroun. Mais pas Biya, le vieillard sénile et laxiste qui séjourne de temps en temps au Palais présidentiel là bas à Étoudi…
Biya, en réalité, c’est tout un système. Biya, c’est tout Camerounais qui, dès qu’il a une once de pouvoir, l’utilise pour opprimer, frustrer ceux à qui il est censé rendre service. Un directeur général qui arrive au bureau à 9 heures et repart à 11 heures après avoir demandé à tous ceux qui l’attendent depuis des semaines de repasser le lendemain, pour moi, c’est un Biya.
#CeQuUnCamerounaisDit quand on le reçoit mal dans un bureau: "Quand j'aurais ma part de bureau les gens vont me sentir ici dehors"
— willfonkam (@petit_ecolier) May 13, 2015
La plupart des Camerounais suivent une logique simple : « Si on me met aux affaires, je vole ma part », disent la plupart d’entre nous. Même ceux qui misèrent, qui n’ont pas d’emploi, qui composent en vain des dizaines de concours chaque année, même ceux-là sont prêts à voler, à opprimer et à appauvrir leurs compatriotes aussitôt qu’ils seront aux affaires. Voilà des Biya en puissance. Et le Cameroun en est truffé.
#CeQuUnCamerounaisDit quand les ministres détournent l'argent du pays: "Si on me nomme je vole ma part d'argent!"
— willfonkam (@petit_ecolier) May 13, 2015
C’est pour cela que j’estime que si en 2018, le vieux décide d’aller enfin se reposer à Mvomeka’a (ou même en Suisse où il passe le plus clair de son temps), au lieu de briguer un nième mandat, on risque de se retrouver avec un autre Biya à la tête du pays. Il ne s’appellera peut-être pas Biya, mais aura exactement la même façon de procéder que le président actuel. Et nous, qui appartenons au bas-peuple, nous continuerons à souffrir, et nous recommencerons à contester et à dire « X must go », « Y dégage ».
Après Biya ce sera Biya, si nous ne faisons pas attention. Après Biya, ce sera Biya, si nous ne mettons pas tout en œuvre pour combattre le système que le régime en place nous a imposé. Tant que la corruption, les détournements, le favoritisme et tous les autres maux qui minent notre société ne seront pas éradiqués, tant que le mérite ne primera pas sur la médiocrité et le favoritisme, on sera toujours gouverné par Paul Biya, quel que soit le nom de celui qui sera au pouvoir.
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