J’accuse le peuple camerounais !
Les 30 et 31 octobre derniers, le peuple burkinabé, comme un seul homme, se soulevait contre une dictature qui durait depuis « seulement » 27 ans. Au Cameroun, on a parlé, polémiqué, menacé le régime en place. Des gens cachés derrière leurs ordinateurs en Europe et en Amérique ont organisé des manifestations et des marches de protestation auxquelles ils n’allaient jamais pointer le bout de leur nez. « Le 06 novembre » disaient-ils, « nous allons manifester à la poste pour dénoncer le régime de Paul Biya ! Sa dictature a assez duré. »
Vous voulez manifester contre la dictature de Paul Biya ? Laissez-moi rire. Si cette « dictature » a pu fêter son 32ème anniversaire ce 06 novembre, c’est bien notre faute à tous. Oui, le peuple camerounais est coupable. J’accuse le peuple camerounais !
J’accuse le peuple camerounais d’avoir accepté de prendre de l’argent à chaque élection présidentielle pour voter pour un certain parti politique
Les camerounais sont en grande partie des personnes égoïstes qui ne pensent qu’à leur ventre. Ce sont des poltrons qui ne peuvent jamais se mettre en première ligne. Peu de Camerounais accepteraient de se sacrifier pour le bien de la communauté. Alors, on se dit : « Pié gô hela* ? On va faire comment ? » Le Camerounais lambda n’a pas confiance en son compatriote. Il se dit, « Si je refuse les 5.000 francs-là, mon voisin va sûrement les accepter. Et je serai perdant. » Troquer 7 ans de souffrance, de misère et d’abus contre 5.000 francs ! Seuls les Camerounais en sont capables.
J’accuse le peuple camerounais d’avoir fait preuve de découragement et de laxisme à chaque scrutin
Beaucoup de Camerounais, lors des scrutins, ne se donnent pas la peine d’aller voter. « Le résultat est déjà connu, les élections seront truquées. Que je vote ou pas, ça ne changera rien. » Non, cher compatriote. Ta voix compte, et ta vigilance est nécessaire pour qu’aucune urne ne soit bourrée, pour qu’aucun votant ne vienne voter plusieurs fois. Si on abandonne cette lourde tâche aux autres, si on l’abandonne tout court, jamais rien ne changera au Cameroun.
J’accuse le peuple camerounais d’avoir négligé l’éducation de ses enfants
La jeunesse camerounaise est déroutée, sans repères : à l’école, on privilégie les diplômes, pas la formation. On préfère le papier au savoir. Combien de parents sont venus « négocier » pour que leurs enfants récalcitrants soient acceptés dans des écoles d’où ils avaient été renvoyés ? Combien d’enfants sont venus proposer de l’argent à enseignants pour avoir de bonnes notes ? Combien d’enseignants jouent à ce jeu dangereux ?
Ici, on cultive la paresse, la facilité. Pourquoi se plaint-on alors quand notre jeunesse, une jeunesse sans aucune conviction politique autre que la politique du ventre, s’allie avec les oppresseurs, dans l’espoir d’en obtenir les faveurs ? Pourquoi les indexons-nous quand ils proposent ou acceptent de l’argent pour voter un nombre incalculable de fois ? Les jeunes font exactement ce qu’on leur a enseigné.
J’accuse enfin le peuple camerounais d’abandonner le pays à son triste sort
La plupart des Camerounais n’ont qu’un rêve : s’expatrier, quitter le pays, le laisser sombrer dans la corruption, le favoritisme, le chômage et l’ignorance. Qui va donc se battre pour libérer le pays ? Si nous allons tous en Europe, aux USA, qui restera au pays ? Ah oui, les pauvres, les défavorisés et les illettrés. Ceux qui ne peuvent pas tchoko* pour avoir un passeport, ceux qui ne peuvent pas s’offrir un billet d’avion. Ceux là qui misèrent tellement qu’ils accepteront facilement de l’argent pour voter pour x ou pour y. Et après, on ira inonder les réseaux sociaux avec des appels au soulèvement.
Le changement que nous voulons, c’est ici au Cameroun qu’il aura lieu. Le changement que nous réclamons, c’est dans les écoles qu’il prendra racine. Se soulever, marcher, casser, donner des coups et en prendre, tout ça n’est pas la solution. Ca peut se faire autrement, tout dépend du peuple, tout dépend de nous.
J’accuse le peuple camerounais qui pense que la solution viendra des autres. Mais à quoi bon l’accuser car comme on dit ici le Cameroun c’est le Cameroun.
Pié gô hela ?: On va faire comment ? (Ghomalà)
Tchoko : Corrompre
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