Primes à l’excellence universitaire: du gaspillage institutionnalisé
Ces jours-ci, si vous vous promenez autour des universités, écoles normales et autres établissements publics d’enseignement supérieur, vous ne manquerez pas de remarquer l’agitation qui les caractérise. Et pour cause ! L’homme-lion a enfin donné des raisons de se réjouir aux jeunes étudiants Camerounais : il a ordonné le payement des primes de l’excellence académique. Chaque année, c’est plusieurs centaines de millions décaissés et distribués.
Récompenser les meilleurs
Depuis 2010, le président de la république du Cameroun a décidé, pour encourager les étudiants les plus braves, de créer ce qu’on a appelé la prime à l’excellence universitaire. Cette prime, dont les conditions d’attribution sont devenues très floues, consiste simplement à donner 50.000 aux étudiants de niveau 3 au moins qui auraient obtenu la licence sans avoir redoublé un seul niveau (je ne suis plus sur hein, mais je crois que c’était ça au début). Inutile de dire que la nouvelle a été accueillie avec joie par les étudiants. Dans la pratique, les choses n’ont pas été ce qu’on aurait espéré – enfin, c’est une façon de parler, au Cameroun on sait que rien ne va jamais comme ça devrait.
Noms introuvables, noms suspects, doublons…
Dès la première année, le désordre organisé a commencé. Plusieurs étudiants régulièrement inscrits et censés recevoir la fameuse prime étaient étonnés de ne pas trouver leurs noms sur les listes. Comment pouvaient-ils revendiquer leur argent, alors que les critères de sélection étaient plus que flous ? Je me souviens même qu’une année tous les étudiants d’une filière n’ont pas été payés ! Ah oui, ils étaient tous des nullards.
De plus, il était très récurrent de voir des étudiants lire le nom d’un de leurs « camarades » qu’ils n’ont jamais vu en trois années d’étude. Des noms d’individus inconnus faisaient subitement leur apparition dans les listes, gonflant les effectifs ou bien remplaçant les noms des étudiants réguliers.
Il arrive également que certains perçoivent deux primes – sans doute ceux qui étaient doublement excellents. Il suffit d’avoir fréquenté dans un établissement l’année précédente et d’être allé dans un autre durant l’année en cours, et on était assuré de recevoir deux primes.
Chantage, racket, corruption
Avoir son nom sur la liste des heureux surdoués ne garantit pas qu’on recevra sa prime. Oui, parce que les payeurs, eux aussi, sont des surdoués. Dans leur domaine. Généralement, les dates et les lieux de payement sont vaguement mentionnés. Malheur à celui qui se présentera au guichet après le délai de payement. Il devra dire adieu à ses billets. Pour mettre le plus d’étudiants dans cette position inconfortable, les payeurs ne se pressent pas pour servir prétextant des ruptures de billets toutes les heures. Les étudiants sont souvent obligés de faire la grève pour que leur argent leur soit remis. Certains doivent même tchoko (mouiller la barbe) 5.000 pour pouvoir toucher leur dû.
Aider les parents
Personnellement, je me pose des questions sur la nécessité de l’attribution de cette prime dite à l’excellence universitaire qui, au finish, ne sert parfois pas à grand-chose. Aujourd’hui, la prime est payée à tous les étudiants à partir du niveau 3 qui ont la chance de voir leur nom apparaître sur la liste – c’est le seul critère qui compte, finalement. Quand on sait comment certains parents souffrent pour pouvoir réunir les 50.000 qui constituent les droits universitaires, on se demande pourquoi le Chef de l’État, au lieu de reverser leur pension à près de 60.000 étudiants comme certains le prévoient, ne supprime pas purement et simplement les droits universitaires pour les étudiants des niveaux concernés pour soulager les parents.

De plus, les dérives constatées dans la gestion de ces primes seront également évitées. Les étudiants n’auront plus à s’aligner pendant les jours entiers, parfois à partir de 4heures du matin dans l’espoir souvent vain d’être servis les premiers. Il ne sera plus question de mouiller la barbe à des employés véreux avant de recevoir son dû. On évitera les pleurs des étudiants qui ne trouvent pas leurs noms sur les listes, et les cris de ceux qui viennent toucher après le délai et le gaspillage qu’on fait en payant des gens qui n’ont peut-être jamais mis pied dans un amphithéâtre.
Utile à tous
Enfin, la prime à l’excellence pourrait être mieux utilisée. Elle pourrait servir à construire des routes, créer des emplois, subventionner le carburant, construire ou équiper des écoles, des universités ou des hôpitaux… En un mot, la prime à l’excellence universitaire pourrait être utilisée pour le profit de la nation toute entière, et non d’une seule poignée d’individus qui auront tôt fait de la dilapider dans les bars ou bien chez les vendeurs de greffes indo-brésiliennes.
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