Les incohérences du ministre Ngalle Bibehe
Quelques mois seulement après sa nomination à la tête du ministère des enseignements secondaires Jean Ernest Ngalle Bibehe Massena fait déjà parler de lui dans les médias Camerounais. En effet, le nouveau ministre a récemment posé des actes qui montrent qu’il est déterminé à assainir le milieu éducatif camerounais que son prédécesseur avait fortement contribué à pourrir. Pourtant, je pense qu’il est nécessaire de s’arrêter un moment pour questionner la logique de certaines actions que le nouveau ministre pose.
Secteur miné
Comme je l’ai dit plus haut, l’ancien ministre des enseignements secondaires avant son départ avait instauré un système de mafia dans l’éducation camerounaise. Sous son « règne », il était quasiment impossible d’obtenir une mutation ou une nomination sans passer à la caisse, ou tout au moins sans connaître quelqu’un (qui connaît quelqu’un) au ministère.
Profitant du cafouillage occasionné par les mutations multiples et anarchiques du ministre, quelques fonctionnaires véreux avaient développé des réseaux de fausses affectations qui, si elles portaient bel et bien la signature du ministre, n’avaient aucune trace dans les archives au ministère.
Nouvelle dynamique ( ?)
Dès sa nomination, le nouveau ministre s’est démarqué par un dynamisme auquel nous n’étions pas habitués. Par exemple, il s’est attaqué à la fraude aux examens officiels en sanctionnant 159 personnels et élèves coupables de fraudes lors de la dernière session. De même, le ministre a réglé un scandale de détournement de frais d’examens en autorisant de manière exceptionnelle les candidats concernés à composer, en attendant que des sanctions soient prises à l’endroit des responsables véreux de l’établissement en question.
Plus récemment encore, le ministre a publié la liste de certains enseignants soupçonnés d’avoir de fausses notes affectations, les invitant à venir clarifier leur situation. Avant cela, il avait déjà mis certains fonctionnaires récalcitrants en retraite et procédé à un véritable réaménagement au sein du ministère.
Mauvaises solutions
Si tout ce qui est dit plus haut est plutôt encourageant, la décision du ministre d’appliquer strictement certains textes va à coup sûr créer plus de problèmes qu’elle n’a apporté de solutions.
Il s’agit notamment de la décision de respecter les effectifs dans les salles de classe qui, selon les textes, ne doivent pas excéder 60 en sixième et en première année de l’enseignement technique, et 80 dans les autres classes. Je ne suis pas en train de dire que les classes doivent être surpeuplées, mais je m’interroge sur la cohérence des actions du ministre sur ce point précis.

Il faut savoir que, pendant des années, les lycées et collèges ont fonctionné avec des effectifs dépassant facilement les 100 élèves par classe, ce qui posait en effet maints problèmes aux enseignants. Toutefois la décision de réduire les effectifs devrait être accompagnée de mesures pour que les élèves qui quitteront les classes surpeuplées puissent fréquenter normalement cette année. Et c’est à ce niveau que le problème se pose.
Combien de nouveaux établissements scolaires le ministre a-t-il créés pour cette année scolaire ? Combien de nouvelles salles de classe a-t-il fait construire dans les établissements aux effectifs pléthoriques ? Qui va donc accueillir les élèves qui étaient en surplus dans certaines classes, surtout qu’une décision récente du ministre a ordonné la fermeture de près de 75 établissements privés sur l’ensemble du territoire national ?
Voilà autant de questions qui laissent croire que l’année scolaire qui commence dans quelques semaines ne sera pas de tout repos pour certains parents.
Textes et contexte
De toute évidence, le ministre Ngalle Bibehe a raté une occasion d’appliquer une maxime qui est sur toutes les lèvres dans le système éducatif camerounais : il y a une différence entre le texte et le contexte. L’application des textes devrait tenir compte du contexte. Pour le cas d’espèce il aurait été judicieux de trouver des solutions intermédiaires au problème d’effectif qui n’est pas nouveau.
Au lieu de fermer les établissements privés qui exerçaient dans l’illégalité, le ministre aurait pu trouver une formule pour que ces derniers régularisent leur situation (en donnant un délai, en facilitant l’obtention des papiers, en permettant que les frais – s’il y en a – soient payés en tranches, etc.)
Pareil pour les établissements à effectifs pléthoriques. Se contenter de fixer le nombre à ne pas dépasser ne fera que mettre les chefs d’établissement dans une situation embarrassante. Pourquoi ne pas, par exemple, redistribuer le surplus dans les établissements privés qui, pour certains, sont en sous-effectif (tout en s’assurant de la qualité des enseignements, bien évidemment) ? Au moins pour cette année scolaire, le temps que de nouvelles classes soient construites, ou de nouveaux établissements créés.
Du pain sur la planche
Beaucoup reste à faire pour redonner à l’éducation nationale camerounaise ses lettres de noblesse. Par exemple, les manuels scolaires ne sont pas tous adaptés au programme ou à l’approche pédagogique implémentée actuellement. D’ailleurs, plusieurs de ces livres sont truffés de fautes et d’informations incorrectes, ce qui déroute la plupart des apprenants et met les enseignants dans des situations inconfortables en classe.
On peut également citer, entre autres, l’inadéquation des contenus enseignés, les problèmes de formation et de prise en charge des nouveaux enseignants, la gestion des carrières etc. Autant dire que le nouveau ministre des enseignements secondaire a du pain sur la planche. En tout état de cause, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, c’est au pied du mur qu’on reconnaitra le maçon (sans jeu de mots aucun).
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Crédit photo d’illustration: ccreadcameroon.org
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