Alerte, les émojis nous envahissent !
Il y a de cela quelques années, à l’époque où le téléphone portable faisait son entrée fracassante au Cameroun – ce n’était pas le qui veut, pas ce que le vieux lion à dit l’autre jour-là –, les utilisateurs découvraient avec émerveillement les SMS. Les SMS, vous savez, ces « short messages » qui ont beaucoup aidé nos petits frères et nous-mêmes à réviser nos cours de grammaire et d’orthographe… Ok ok je rigole.
À l’époque, disais-je, on se plaignait déjà de l’influence néfaste que l’habitude d’écrire en langage SMS avait sur le niveau de français déjà bas de nos frangins. C’est vrai que ce n’est pas facile de faire un bon kongossa en seulement 160 caractères, mais ça ne fait jamais plaisir de lire la feuille d’un élève et de retrouver des lettres et des chiffres mélangés pour former un « mot ». À l’époque, on croyait avoir tout vu. Et pourtant…
La vulgarisation d’internet a fait empirer les choses. Je me rappelle encore de feu Yahoo! Messenger (paix à son âme) et de ses codes réservés aux initiés : ASAP [As soon as possible], ASL [Age, sex, location], BBS [Be back soon], CU [See you], IMO [In my opinion] etc. C’était l’époque des « ingénieurs de son », ceux-là qui n’écrivaient que ce qu’ils entendaient, et en utilisant le moins de caractères possible. Puis il y a eu les réseaux sociaux…
Quand en plus facebook, twitter et leurs amis sont entrés dans la bagarre, c’en était fini du bon français et de la grammaire correcte – même à l’oral on entendait les gens dire « LOL » au lieu de rire. Oui, on se plaignait de la quantité et de la qualité des textes, mais au moins, on avait du texte, même mauvais.
Aujourd’hui, les choses sont devenues pires encore. Les émojis, descendants directs desémoticones, nous attaquent et combattent tout ce qui est écrit. Je me souviens qu’à l’époque de Yahoo ! Messenger, les émoticônes étaient à peine une poignée et ne pouvaient véritablement pas être utilisés pour tenir une conversation. Mais, faites un tour sur facebook. Non, allez plutôt sur twitter et vous ferez le constat. Il est désormais possible de converser en n’utilisant que les émojis. Et quand bien même on fait usage de mots, chaque mot est accompagné d’un ou de plusieurs émojis.

Ces mutants affamés de lettres phagocytent littéralement tout ce qui contient une lettre ou un chiffre. On n’exprime plus son hilarité en écrivant « Hahaha », car il existe un, non plusieurs émojis qui peuvent servir pour ça, allant du simple sourire au fou-rire (et ce sans faire des fautes d’orthographe). Même pour les chiffres il existe des émojis ! Ils sont partout, je vous dis. Partout !
Avec la complicité des fabricants de smartphones qui ajoutent systématiquement les émojis à leurs claviers, ces derniers se sont infiltrés partout et peu à peu gagnent du terrain. J’imagine dans quelques années, deux jeunes en train de converser sans sortir un seul mot, juste en mimant les expressions faciales des émojis. Je m’imagine déjà en train de corriger la feuille d’un élève et d’y retrouver quelques rares mots au milieu de ces petits visages souriants ou tristes, joyeux ou larmoyants.
Alors, aux aaaarmes citoyens… Retournons à nos 26 lettres pour combattre l’ennemi. À la rigueur, utilisons les émojis, puisqu’ils sont déjà parmi nous et qu’on les aime bien. Mais, sous aucun prétexte, ne laissons tomber l’alphabet
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