Pleurer ne suffit pas!
J’ai voulu commencer ce billet par une formule de politesse (à la façon de mes frères togolais) de peur que mes émotions, si elles prennent le dessus, ne me fassent apparaître à vos yeux comme un individu dépourvu d’éducation. J’ai essayé, mais je n’ai pas pu retrouver ces formules toutes faites pourtant enfouies dans mon cerveau. J’imagine que les tueries qui ont eu lieu à Garissa au Kenya il y a quelques jours n’ont pas laissé assez d’espace à quoi que ce soit d’autre. Je crois que ces 147 nouvelles victimes, dont le massacre fait suite à d’autres tueries qui, il y a de cela quelques mois, avaient déjà ébranlé l’Afrique, ont eu de quoi occuper mon esprit. Au diable la politesse, allons à l’essentiel !
Ces derniers jours, chaque fois que je tombe sur des posts qui commencent par « JE SUIS… », je me demande ce qui ne va pas avec nous en Afrique. Quand allons-nous comprendre que ces slogans à deux balles que nous aimons bien copier chez les occidentaux ne nous apporterons jamais aucune solution aux problèmes qui sont les nôtres ?
C’est carrément devenu une mode en Afrique ! Au moindre pépin on nous sort la formule magique : « Je suis X, je suis Y, je suis Z » Et on est satisfaits, on pense avoir fait ce qu’il faut. Arrêtons de croire que trois mots, fussent-ils les fameux « Sésame, ouvre-toi », pourront améliorer une quelconque situation chez nous. Si nous avons refusé de faire preuve de créativité, si nous nous contentons de copier ce que le maître fait, au moins copions TOUT ce qu’il fait.

En début janvier, après l’attaque du journal satirique Charlie Hebdo, un mouvement de solidarité s’est propagé dans le monde entier, à travers les mots Je suis Charlie. Par la suite, les terroristes qui avaient perpétré l’attaque ont été traqués et abattus. Mais j’ai l’impression que, ici chez nous, nous n’avons vu que ces trois mots, Je suis Charlie en fermant délibérément les yeux sur le reste, notamment sur la mise hors d’état de nuire des coupables.
Pleurons nos morts, c’est indispensable. Après ça, utilisons des slogans périmés si ça nous chante, organisons des marches de protestation si on veut, critiquons même ceux qui ne sont pas X, Y ou Z comme nous, ou bien qui ne marchent pas à nos côtés. Mais quand ce sera fait, prenons des mesures pour que certaines choses ne se répètent pas.
Après les 2000 morts de Baga, l’Afrique tout entière a été Baga ! Tout le monde a été Nigéria. C’était bien beau, mais cela a-t-il empêché que les mêmes terroristes fassent plusieurs centaines de morts à Fotokol peu de temps après ? Certainement pas, car tandis que nous faisions nos belles images pour dire « Je suis Baga » ou bien « Je suis Nigéria » les terroristes s’armaient et préparaient d’autres massacres.

Pourtant, même l’épisode de Fotokol ne nous a pas servi de leçon. La réaction à ces près de 400 morts a été simple, voire simpliste : « Je suis Fotokol » ! Aujourd’hui, d’autres familles sont déchirées, d’autres vies fauchées, d’autres africains massacrés. Et aujourd’hui, on se contente d’être Kenya…
Jusqu’à quand, en Afrique, allons-nous nous voiler la face ? La solution à nos problèmes ne sera jamais contenue dans quelques mots éparpillés dans les réseaux sociaux ou n’importe où ailleurs. C’est important de pleurer ses morts, c’est bien beau de montrer sa sympathie, mais bien plus utile, il faut empêcher que cela se reproduise.
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