Quand les malheurs des uns font la joie des autres
On dit dans la bible que Cham, fils de Noé, fut maudit par ce dernier après qu’il ait vu la nudité de son géniteur qui était ivre. Toujours d’après la bible, Cham, dont la malédiction a été en réalité proférée contre son fils Canaan, est l’ancêtre des peuples noirs d’Afrique (Genèse 9, 22-27). Cette malédiction est-elle la cause des malheurs de l’Afrique noire ? Je n’en suis pas certain. Mais ce dont je suis à peu près sûr, c’est que nos malheurs viennent aussi et surtout du manque de solidarité flagrant, de l’inimitié sans fondement et d’une stupide rivalité sans enjeu qui existe entre certains peuples d’Afrique.
Dernièrement, en me baladant sur les réseaux sociaux, j’ai été sidéré de lire un post dans un forum ivoirien, post relatif au Cameroun, suite à une nouvelle attaque de la secte pseudo-islamique Boko Haram à l’extrême-nord du pays. Dans le post intitulé « Bonne nouvelle », un frère africain originaire de Côte d’Ivoire, un Ivoirien donc, (et par ailleurs administrateur dudit forum) se félicitait de ce que Boko Haram ait pris un camp militaire camerounais.

Si le post, bien que choquant, laissait encore planer le doute sur les raisons ayant motivé sa publication, les commentaires par contre étaient sans équivoque :
Ils auront de quoi s’occuper maintenant
D’après ce que j’ai compris, le ressentiment de nos frères ivoirien part du fait que les Camerounais s’occupent trop des affaires de leur pays (la Côte d’Ivoire), tout en négligeant ce qui se passe chez eux-mêmes au Cameroun. L’insurrection terroriste, selon certains membres de ce forum, est donc une bonne occasion pour les Camerounais de s’occuper de leurs propres affaires.
Si on peut comprendre que certains ivoiriens n’apprécient pas le fait que des Camerounais « donneurs de leçons » mettent le nez dans leurs affaires, on peut quand même s’étonner de constater que cette querelle parte de déclarations faites sur la chaîne télévision panafricaine (et non camerounaise) Afrique Média. D’ailleurs, ces propos n’engagent que son auteur qui, je suis sûr, ne parlait pas au nom du peuple Camerounais. Par la suite, le ton des commentaires est monté d’un cran :
Bonne nouvelle. Vive Boko Haram au Cameroun
Puis, on est passé aux louanges et à l’apologie de Boko Haram. En parcourant les commentaires, on pouvait lire des choses de plus en plus graves. « Le Cameroun va prendre feu tôt ou tard », pouvait-on lire en commentaire, comme un avertissement funèbre. D’ailleurs l’un des membres du forum a suggéré, « Prions tous cette nuit pour Boko Haram pour qu’ils arrivent à Yaoundé ».
Être en joie lorsque ton ennemi pleure est devenu un crime ?
Jusqu’à maintenant, je n’ai pas pu cerner exactement le différend qui oppose le Cameroun à la Côte d’Ivoire, hormis les matches de foot – si on peut parler de différend dans le cadre du sport. C’est pour cela que j’ai sursauté en lisant ce commentaire de l’auteur du post en réponse aux nombreux Ivoiriens qui, comme moi, s’étonnaient de ce qu’on puisse se réjouir du malheur d’autrui alors qu’on n’en tire rien : « As-tu vu ici que j’ai parlé d’une télé camerounaise ?…ou bien être en joie lorsque ton ennemi pleure est devenu un crime ? » Ton ennemi ! Depuis quand sommes nous en guerre contre la Côte d’Ivoire ? De quand date cette inimitié ? Quelles en sont les motifs ?
Je ne veux pas dans ce billet (seulement) indexer les Ivoiriens, mais plutôt dénoncer le manque de solidarité qui nous caractérise tous en Afrique. Au début de l’expansion de la secte que je me refuse de qualifier d’islamiste Boko Haram, le Nigéria seul en souffrait. Les terroristes, cependant, se repliaient au Cameroun pour se dérober aux poursuites de l’armée nigériane. À cette époque, les Camerounais, qui dans un élan de solidarité auraient pu s’allier au Nigéria pour décimer ce mouvement malsain, ne s’en sont pas mêlés, ne se sentant pas menacés. Aujourd’hui, la secte a pris des galons, et actuellement fait la guerre aux deux pays en même temps. Il est désormais très difficile de s’en débarrasser.
Si l’Afrique ne se décide pas à faire bloc face à ses difficultés elle ne pourra jamais sortir du sous-développement. Tant que le problème de mon voisin ne devient pas le mien comme l’esprit de solidarité africaine l’exige, il n’y aura jamais progrès. L’Union Africaine (en tant qu’organisation) a-t-elle encore un sens si le simple sentiment de compassion n’existe même plus en Afrique ? La voilà, la vraie malédiction des descendants de Cham.
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