Tout ce que le Roi fait est bon, vive le Roi !
Il y a quelques temps, le Roi Lion a perdu sa belle-mère. Cet évènement malheureux a suscité tellement de débats et de commentaires, que je me suis dit que j’allais m’abstenir d’en parler. Aujourd’hui, après quelques jours de résistance, je me décide enfin à en faire mention dans ce billet. J’en parle finalement, parce que je suis un peu écœuré par la réaction des grands intellectuels camerounais face aux décisions que le président prend. Ces derniers, je ne sais pour quelle raison, mettent tout leur génie à contribution pour essayer de justifier et expliquer ce que le président fait. Même quand ça saute aux yeux que la décision est vraiment discutable.
En 2008, alors que la constitution interdisait au président en exercice de briguer un nouveau mandat, notre bon roi décida de revoir la constitution de façon à annuler la limitation des mandats. Tandis que le bas peuple criait au scandale, les bons sujets envahissaient les chaînes de radio et de télévision pour déclarer qu’il n’y avait pas meilleure preuve de démocratie que de laisser le peuple décider de qui allait être son guide. « C’est le peuple qui demande à Paul Biya de se représenter », disaient-ils sur les antennes. « Si ce n’est pas la décision du peuple, le peuple n’a qu’à ne pas voter pour le seul bon choix. » Certains sont allés jusqu’à prendre exemple sur la Grande Bretagne qui a pourtant un régime différent du notre !
Il y a quelques semaines, on annonçait sur les media que notre monarque adoré était le cinquième chef d’état le plus riche en Afrique. Et les tchindas* sont montés au créneau, démentant l’information sur la seule base que Forbes a déclaré n’avoir rien publié à ce sujet. Oui, Forbes n’a rien publié. Mais est-ce une preuve suffisante pour contester le classement effectué par le site richestlifestyle.com ? Pourtant, une loi au Cameroun oblige les candidats aux élections à déclarer leurs biens avant les scrutins. Mais le roi, depuis qu’il se présente aux élections présidentielles, ne l’a jamais fait.
Puis, il y a eu cette fameuse conférence parlementaire du Commonwealth organisée ce 06 octobre à Yaoundé et pendant laquelle le Roi des rois a fait un discours en français, devant une assemblée constituée en majorité de personnes qui ne pigent pas un seul mot du français. On a tous été wanda** ici au pays ; sauf les sabitou*** qui ont défendu bec et ongles cette action d’éclat du Lion. Je les entendais raconter sur les ondes que le président a voulu rappeler le caractère bilingue de notre pays aux pays membres du Commonwealth, qu’il aurait pu s’exprimer en anglais, mais ne le voulait pas – mon œil, oui.
En début de ce billet, je parlais du deuil de la belle-mère du président, Madame Mboutchouang Rosette, qui a suscité tellement d’interrogations au sujet du lieu d’inhumation. En effet, la tradition voudrait qu’une femme mariée soit enterrée dans le village de son mari. On s’attendait donc à ce que cette dame repose à Badenkop, village de M. Mboutchouang, son époux. Mais le roi en a décidé autrement, programmant l’enterrement à Mvomeka’a, son propre village à lui, le village royal.

Et les gens on jasé, bavardé, crié… Mais les sapeurs pompiers se sont encore montrés, tentant d’expliquer des choses qui n’existent que dans leurs cerveaux. Ils ont essayé de nous faire croire que M. Mboutchueng n’aurait peut-être pas doté sa femme, raison pour laquelle elle ne peut être enterrée chez lui. Puis ils ont sorti des lois de la tradition jusqu’ici inconnues fixant que le mariage n’existe pas tant qu’il n’y a pas d’enfant, preuve que Mme Mboutchouang n’était pas en réalité Madame Mboutchouang (puisqu’elle n’a pas d’enfant avec M. Mboutchouang). Ils ont dit plein d’autres choses, allant jusqu’à féliciter le roi, pour sa sagesse et son respect des traditions africaines.
Voilà donc notre Cameroun, celui où on donne toujours raison au roi, celui où le roi est au-dessus de la loi et au-dessus de la tradition, le Cameroun où les intellectuels sont des griots qui ont pour seul objectif de justifier tous les actes du souverain.
*Tchinda : C’est un sbire, un esclave au service du roi dans les chefferies bamiléké à l’Ouest du Cameroun.
**Wanda : ‘étonné’, en camfranglais.
***Sabitou : Terme péjoratif qui désigne quelqu’un qui croit tout savoir alors qu’en réalité il est ignorant.
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