Dis-moi comment tu t’appelles, et je te dirai comment tu es
Au Cameroun, quand on demande à quelqu’un « Comment tu t’appelles ? », la plupart du temps, la personne donne son prénom. Pour ne pas révéler sa région d’origine, son ethnie. Seulement, la question qui suit parfois c’est « tu es même d’où ? » Certains, en effet, rechignent à identifier leurs ethnies ou bien leurs régions d’origine. Car, immédiatement, ça leur colle une étiquette. Oui, chez nous au Mboa, point besoin de te connaitre pour dresser ton portrait moral ; ton nom suffit largement.
S’il est difficile pour certains de décliner leur identité ethnique, c’est simplement parce qu’au Cameroun, on a des idées préconçues, nées de légende et croyances populaires – sinon, d’où pourraient-elles provenir ? – sur les caractéristiques innées de chaque ressortissant chacune de nos dix régions. Si, à la question de savoir quel est votre nom, vous répondez Fotso, Kouamen, Dountsop, on s’écrie immédiatement « Un bamiléké ! », puis, on vous sort, au choix, « vous les bamilékés-là, vous êtes trop sages (pour dire fourbes). » Ou bien, « vous avez trop l’argent. Farote-moi même non ? » Si vous vous appelez Ondoa, Mbarga, Atangana, vous entendrez, « Un béti ! C’est sûr que tu peux boire même deux casiers de bières toi seul. » Ou encore « Tu n’as pas vendu de terrain aujourd’hui pour qu’on aille boire ? » Avant de répondre Adjidja, Moctar ou bien Khalimat, sachez que vous serez appelé « wadjo », haoussa ou bien « maguida », et qu’on te traitera de mouton ou de bœuf dans les minutes qui suivront.
C’est ainsi. Selon votre ethnie, on vous serez traître, dépravé, escroc, brutal, paresseux etc. On vous condamne sans vous juger, on vous colle une étiqueté sans vous mettre à l’épreuve.
Il n’est pas rare que de pareils comportements se développent carrément en rejet ou bien en haine pour telle ou telle ethnie. De nos jours encore, on voit des cas où une mère dit à son fils, « Je t’interdis d’épouser la fille bulu-là. Elle va te tromper. Tu sais bien que ce sont des filles frivoles », ou bien « Nous ne voulons pas que tu épouses le gars bassa-là. Tu sais toi-même que les bassa sont sauvages, non ? S’il commence à te battre là, ne reviens pas pleurer ici ! » Dernièrement, c’est un bailleur qui avait écrit sur une pancarte : ‘MAISON A LOUER (SAUF POUR LES BAMOUN)’. On en arrive parfois à éviter de vivre dans certains coins du pays, si on n’en est pas originaire, car il ne fait aucun doute que la vie n’y sera pas du tout aisée.

Dieu merci, les mentalités évoluent. Les gens comprennent de plus en plus que c’est en se rapprochant des autres qu’on parvient à les cerner, et non en se basant sur leur région d’origine. Et ce rapprochement est tel que de nos jours, les mariages interethniques son légion au Cameroun, ce qui donne naissance à des enfants qui ne sont totalement ni d’une région, ni de l’autre. Dans ces cas-là, il devient plus difficile de les étiqueter, surtout si ceux qui veulent le faire sont eux aussi de parents de différentes ethnies.
Mais en plus de cela, les parents devraient veiller à ne pas inculquer à leurs enfants la haine ou le rejet de l’autre sur la seule base de son appartenance ethnique. En même temps, il serait judicieux d’éviter de faire certains commentaires en présence des enfants, qui ont tendance à retenir ce qu’ils ne devraient surtout pas, car en réalité, c’est cette diversité ethnique et culturelle qui fait la particularité, mais aussi la richesse du Cameroun.
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