Soyons réalistes, la colonisation n’a jamais pris fin

22 septembre 2014

Soyons réalistes, la colonisation n’a jamais pris fin

Au service du colon, même 50 ans après son départ - Crédit photo: www.cobelco.info
Au service du colon, même 50 ans après son départ – Crédit photo: www.cobelco.info

Chaque fois que j’entends un de mes compatriotes dire haut et fort « La France essaie de recoloniser l’Afrique. Elle crée des conflits, pour ensuite revenir installer son armée et piller nos ressources », je souris. Ironiquement. Oui, je me moque, parce que quand je les entends dire “recoloniser”, ça implique qu’il y a eu une première colonisation, et qu’elle s’est achevée. C’est ce qui me fait sourire en me disant intérieurement que ce compatriote, s’il observait bien autour de lui, comprendrait que la colonisation commencée au XIXème siècle ne s’est jamais achevée. Voici quelques éléments pour étayer mon opinion.

Une religion importée

Dès leur arrivée sur le continent, les colons nous ont amadoués avec Dieu. En moins de temps qu’il faut pour le dire, nous avions abandonné nos coutumes, délaissé nos rituels et foulé au pied nos lieux saints. Désormais, nous étions au service du Dieu du Blanc. Peut-être le nôtre était-il trop bronzé… Aujourd’hui, longtemps après le départ du colon, nous continuons à prier Dieu en respectant des rituels étrangers à notre culture, à nos origines. Le colon est peut-être reparti il y a longtemps, mais la colonisation spirituelle et culturelle ne s’est pas pour autant arrêtée.

Une politique éducative déconnectée des réalités locales

Pour pouvoir implanter leurs religions et former des jeunes pour prendre la relève – dans la promotion de cette religion importée – après leur départ, les Missionnaires ont dû construire des écoles chez nous – c’est en fait nous qui nous sommes tués à la tâche, pas eux. Dans ces écoles où les religieux ont commencé l’enseignement, le programme de l’année scolaire était forcément de nature à valoriser ou bien à glorifier la culture occidentale, de façon à maintenir les indigènes toujours sous leur emprise. Mais après toutes les batailles livrées pour la liberté et l’indépendance, comment se fait-il que chez nous, le programme scolaire intègre une kyrielle d’élément n’ayant aucun lien avec notre culture, notre histoire ? Vérifions les programmes du secondaire en histoire : combien de chapitres parlent des martyrs et des héros nationaux ? En littérature, combien d’œuvres inscrites au programme sont d’auteurs africains ou camerounais ? Pourtant, les colons s’en sont allés depuis plus de cinquante ans. Mais nos écoles continuent à fabriquer des expatriés ; nos grandes écoles forment la plupart du temps dans des domaines qui n’auront pas de débouchés au pays avant très longtemps. Et on va dire que la colonisation a pris fin ?

Des mentalités de colonisés

À l’époque coloniale, le bon nègre était celui qui essayait de ressembler au patron blanc : il fallait se vêtir, parler, prier, vivre comme le patron. Observons nos frères et sœurs, maintenant que le blanc n’est plus là. Tous veulent aller vivre chez le blanc, tous veulent parler en whitisant, toutes se décapent et mettent mèches et greffes sur la tête pour devenir blanches – on dit d’ailleurs chez nous que c’est le teint qui « gagne », preuve que même les blacks ont des goûts whites… Pour s’en convaincre, il suffit de faire un tour dans les cybercafés pour voir comment nos sœurs cherchent le e-mariage ! Quand par la suite je les entends parler d’indépendance, je ris. Le colon n’est plus là, mais nous sommes gardiens de son œuvre que nous perpétuons au fil du temps.

Une administration de marionnettes

À l’époque de la colonisation, les administrateurs noirs devaient rendre des comptes au colon, et devaient attendre son aval pour initier une quelconque action. C’est amusant, je dis « à l’époque de la colonisation » comme si les choses avaient changé depuis lors. Aujourd’hui, quand un pays africain est attaqué par des rebelles, il faut aller chez le patron demander l’accord avant de déclarer la guerre aux ennemis. D’ailleurs, la déclaration se fait la plupart du temps chez le colon ! Déjà que dans la majorité des cas, c’est ce dernier qui envoie ses soldats libérer la province d’outre-mer menacée. Après ça, ne ma parlez pas de 1960 !

Je suis d’accord pour qu’on parle de recolonisation ou bien de néo-colonialisme, mais avant d’employer ces termes, faisons d’abord cesser la colonisation qui, malheureusement, n’a jamais pris fin.

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Commentaires

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Je suis partiellement d'accord avec toi; J'espère juste que tels ces nombreux africains, tu n'es en train de porter tout le malheur de l'Afrique sur la colonisation ou pensons encore que la colonisation n'a eu des visages positifs.

Il faut qu'on se l'avoue, d'une manière ou d'une autre, nous sommes nous mêmes aussi complices de la colonisation, pour l'avoir acceptée, pour s'y "être plu" et là encore le débat demeure
Toute jeune négresse qui pense, je crois que l'Africain doit se l'admettre, il a été colonisé, c'est un fait. on a voulu le priver de son identité, ceci est inadmissible, nous avons une identité, à nous de l'affirmer

Fotso Fonkam
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Je ne pense pas que nous pouvons être coupables d'avoir accepté la colonisation. Notre avis n'a pas été demandé. Les missionnaires étaient secondés par les militaires.
Je ne dis pas que la colonisation est mauvaise sur toute la ligne. Mais le problème c'est que même après la fin supposée de la colonisation, certains restent toujours des colonisés. Malheureusement, ce sont eux qui nous dirigent et sont donc responsables de nos problèmes. Je n'accuse pas les colons, mais les colonisés. Sur ce point on est d'accord.
Et l'autre conséquence c'est que nous restons aliénés : on veut tout faire comme les autres: se vêtir, se coiffer, parler... C'est ça le problème. Or, pour nous développer, on a besoin d'aimer ce que nous sommes, notre culture, nos racines. C'est pour ça que je préconise l'enseignement de nos valeurs dans nos écoles.

Fotso Fonkam
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Finalement le malheur de l'afrique a des origines bien plus profondes qu'on ne le pense, mais nous avons notre part de responsabilité.