À ceux qui prétendent assurer notre sécurité
Après les attaques kamikazes que le Cameroun a subies dernièrement à Kolofata puis à Maroua, des mesures ont immédiatement été prises pour renforcer la sécurité dans nos villes, notamment en ce qui concerne le transport interurbain. Il fallait s’y attendre. Pourtant, sur le terrain, il semble que les choses ne soient pas exactement ce qu’on pourrait espérer, malheureusement.
La semaine dernière, alors que je préparais mon voyage pour Bandjoun à l’ouest du pays, j’étais tout excité à l’idée de passer par les détecteurs de métaux – comme dans les films noor – et autres fouilles au corps tel que récemment prescrit par les autorités de la ville de Yaoundé. Je m’attendais tout au moins à trouver un ou deux hommes en tenue, histoire de dissuader quiconque serait tenté de se comporter bizarrement.
À la gare, point de détecteur, ni d’homme en faction. Le long rang qui m’avait laissé supposer une fouille assidue des bagages des voyageurs était en réalité dû à la grande affluence des week-ends d’août. Pendant tout le trajet pas une seule fois notre bus n’a été stoppé ne serait-ce que pour vérifier nos cartes d’identité. En revanche, le chauffeur de notre bus ne se gênait pas pour faire son ramassage en toute quiétude. Notre bus de 70 places devait avoir au moins 90 personnes après quelques kilomètres de route – la cible parfaite pour une attaque terroriste.
A quoi servent donc toutes ces mesures qu’on annonce en grande pompe sur les ondes, et qui sont censées assurer la sécurité des citoyens ? Alors que je m’interrogeais sur Facebook, mon amie Anna Keds a fait une réflexion qui a tout éclairci dans mon esprit : « Ils t’ont dit que c’était une zone à risque pour eux ? », m’a demandé Anna. C’est vrai, ce n’est pas une zone à risque. Pas encore.
Lors des explosions de Kolofata, Maroua n’était pas une zone à risque, donc rien n’a été fait pour la sécuriser. On connaît le résultat : trois explosions et des dizaines de morts qu’on aurait pu éviter en prenant des mesures à la hauteur de la menace. Ces chers messieurs dans leurs grosses voitures devraient savoir qu’un leader doit pouvoir anticiper, ce que jusqu’ici je ne les ai pas trop vus faire.
La vérité c’est qu’il n’existe aucune rigueur dans les contrôles effectués sur nos routes : une voiture qui passe sera contrôlée ou pas selon l’humeur des patrouilleurs. L’autre vérité c’est que les mbérés placés en route n’ont rien à foutre du degré de dangerosité de la zone dans laquelle ils se trouvent.
La dernière fois que j’ai fait le voyage Maroua – Yaoundé (Boko Haram faisait déjà rage à nos frontières à ce moment-là), j’ai voyagé avec deux Maliens qui ne s’exprimaient en aucune langue intelligible au Cameroun. Ces deux individus n’avaient pas leurs papiers en règle et à chaque contrôle, ils payaient 10.000 francs aux flics. À un niveau, un bon samaritain leur a expliqué qu’ils pouvaient payer beaucoup moins et s’est engagé à les accompagner à chaque arrêt pour négocier.
Au contrôle suivant, les bidasses ont simplement dit au type qui leur tendait 1.500 francs, « Mon frère, donne-nous 10.000 comme tu as donné aux autres contrôles ». Les deux Maliens ne sont pas arrivés à Yaoundé avec nous. À court d’argent, ils ont été débarqués du bus un peu après Bertoua. Une autre fois, sur le même trajet, c’est un Tchadien qui, après avoir épuisé ses sous, s’est retrouvé en train de vendre son téléphone à 2.000 francs pour mouiller la barbe aux policiers.
Le plus important, ce n’est pas de signer des décrets pour interdire x ou bien instaurer y. Si toutes ces autorités ont réellement à cœur d’assurer la sécurité des citoyens, elles devront aussi et surtout veiller à ce que les mesures prises soient effectivement appliquées. Et ce n’est malheureusement pas encore le cas.
P.S. : Demain je repars à Yaoundé, et j’espère vivement que mon bus ne passera pas inaperçu…
Commentaires