Le marketing de réseau : bonne ou mauvaise idée ?

Article : Le marketing de réseau : bonne ou mauvaise idée ?
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31 juillet 2019

Le marketing de réseau : bonne ou mauvaise idée ?

Une ancienne voisine m’a récemment contacté. Elle voulait me voir parce qu’elle avait « une excellente opportunité » à me présenter. Sceptique, mais curieux (et surtout poli), j’ai accepté de la rencontrer pour qu’on en parle. Le jour du rendez-vous elle n’était pas seule. C’est le monsieur qu’elle m’a présenté comme son partenaire qui était chargé de m’expliquer dans les détails en quoi consiste « l’activité ». Je l’ai écouté et compris un certain nombre de choses au sujet du marketing de réseau.

Marketing de réseau ou pyramide de Ponzi ?

Comme beaucoup de personnes, j’ai d’abord fait l’amalgame entre les deux concepts, notamment à cause de la récente actualité concernant l’entreprise MIDA qui a défrayé la chronique au Cameroun. Pourtant en discutant avec des amis, j’ai compris qu’il s’agissait en réalité de deux choses bien différentes.

La pyramide de Ponzi est un ingénieux système mis en place pour la première fois en 1920 par un certain Charles Ponzi pour arnaquer des investisseurs. C’est « un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants ». Le système chancelle au fur et à mesure que la pyramide grandit et finit par s’écrouler « quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients ».

Le marketing de réseau c’est tout autre chose. Il s’agit d’un système de vente dans lequel « les revendeurs (ou distributeurs) peuvent parrainer de nouveaux vendeurs, et être alors en partie rémunérés par une commission évaluée en pourcentage sur les ventes des recrues ». Il ne s’agit pas d’une arnaque comme dans le cas du système de Ponzi, mais plutôt d’un système qui permet à chaque client de devenir distributeur à son tour et donc de trouver d’autres clients qui deviendront des distributeurs et sur les ventes desquels il recevra des commissions.

« Un à gauche, un à droite »

D’après ce qu’ils m’ont expliqué chaque élément du réseau doit créer son propre réseau constitué de deux personnes, pas plus. Chacune de ces personnes a également pour mission de construire un réseau en recrutant deux personnes, une « à gauche » et une « à droite ».

L’intégration au réseau est conditionnée par l’achat d’un ou de plusieurs produits dont le coût varie en fonction des entreprises. L’argument marketing avancé c’est que non seulement on achète un produit qui nous est utile, mais en plus on a la possibilité de se faire de l’argent en ramenant des gens dans le business. Chaque personne recrutée est placée soit à gauche soit à droite de son recruteur, de façon à former une pyramide (ou un triangle) dont le sommet est le recruteur et la base les deux personnes recrutées (une à gauche, une à droite).

Pour le cas qui me concernait, le montant total des produits achetés devait être supérieur ou égal à 1.000 BV (Business Value), 1.000 BV correspondant à environ 400.000 FCFA. Le système commence à être rentable au moment où le recruteur a fait acheter pour une valeur de 3.000 BV à gauche ET 3.000 BV à droite. Il commence donc à recevoir une commission sur les achats de ses recrues et de tous ceux que ces derniers vont recruter par la suite.

Ça peut marcher, mais Il y a un « mais »…

En écoutant le partenaire de ma voisine dérouler les avantages de leur système, j’ai compris une chose : le marketing de réseau tel qu’il me l’expliquait peut effectivement produire de l’argent. C’est un système très bien pensé et je ne doute pas qu’ils y a des personnes qui sont aujourd’hui à l’abri du besoin grâce à ce système.

Mais — évidemment, il y a toujours un mais — quand on observe de près, le système n’est pas sans désagréments. En fait je pense qu’il y a en arrière-plan de ce système, une volonté de jouer sur les sentiments des uns et des autres pour les « entraîner » dans le réseau.

Tout commence avec le choix des personnes à recruter. Généralement elles se comptent parmi les amis ou les membres de la famille. Ce sont des gens qui ont une totale confiance en ceux qui veulent les recruter et qui, à cause des liens qui existent entre les deux, sont prêts à courir le risque de mettre leur argent dans l’activité. Ça peut rapidement devenir sujet de querelle si la richesse tant promise ne suit pas.

L’autre élément suspect dans ce business concerne les produits mis en vente. Le catalogue des produits qu’on m’a présenté était pour le moins inhabituel : des pendentifs qui repoussent les mauvaises ondes et purifient le sang, des filtres à eau qui chargent l’eau en énergie, des bracelets qui font ci ou ça, etc. On se croirait dans une boutique de farces et attrapes. Le seul produit qui m’avait l’air intéressant, c’était des formations à distance dans certains domaines comme la gestion des projets et le marketing.

Bien évidemment, le prix de ces produits m’a fait sursauter. Parce que, acheter un filtre à eau dont on ignore les effets réels (puisqu’ils ne sont vendus nulle part ailleurs) à 400.000 ou plus, c’est plutôt risqué comme investissement. Et ça pose un autre problème : beaucoup de personnes se retrouvent en train de s’endetter pour intégrer le réseau, espérant récupérer en peu de temps. 400.000 FCFA c’est beaucoup plus que mon salaire mensuel malgré les presque 10 années de service que j’ai déjà dans la fonction publique.

Le marketing de réseau ou l’esclavage

C’est à cette conclusion que je suis finalement arrivé : le marketing de réseau transforme les gens en esclaves. Quand un individu s’est endetté à hauteur de 400.000 FCFA pour acquérir un produit aux propriétés non prouvées, il se retrouve dans une situation délicate : il faut rembourser l’argent prêté, et pour cela il faut recruter des gens. À tout prix. C’est ainsi que les amis, collègues, anciens voisins, membres de la famille sont harcelés au quotidien parce qu’on leur met la pression pour qu’ils intègrent le réseau au plus vite.

Après la première rencontre entre les recruteurs et moi, je n’ai pratiquement plus eu la paix : appels téléphoniques et visites inopinées étaient récurrents. Ils voulaient savoir où j’étais dans la recherche de l’argent pour acheter un produit et démarrer l’activité. C’était agaçant mais je les comprenais. Et je compatissais.

Ensuite, il y a un élément très important à ne pas oublier : il fallait avoir fait acheter 3.000 BV à gauche ET 3.000 BV à droite pour commencer à monétiser. Ça voulait dire que si l’un des « enfants » n’était pas assez offensif pour recruter deux personnes, son parent ne bénéficiait pas encore des commissions, et ce même si le réseau du deuxième était très étendu. Dans ce cas, le parent se retrouvait obligé de chercher d’autres recrues lui-même, afin de les placer dans le réseau d’un de ses enfants pour enfin commencer à « manger l’argent ». En fin de compte, on n’a presque jamais la paix quand on s’engage dans le marketing de réseau.

La prudence devrait être de mise

Personnellement je recommanderais aux personnes autour de moi d’être prudentes quand on leur propose d’intégrer ce genre de réseau, où on leur promet des gains avoisinant la centaine de millions après quelques années d’activité seulement. Surtout, ne pas s’endetter si on n’est pas certain de trouver des personnes qui vont intégrer le réseau sans se retrouver criblés de dettes. Et, éviter de s’y engager si on compte sur les revenus liés au réseau pour rembourser cette dette. Mais plus important encore, éviter d’entrer dans ce genre de business si on n’a pas le temps pour aller prospecter.

Enfin, il faut être très attentif pour ne pas se laisser embarquer dans une arnaque : il est très facile de confondre le marketing de réseau et la vente pyramidale qui est « une forme d’escroquerie dans laquelle le profit ne provient pas vraiment d’une activité de vente comme annoncé, mais surtout du recrutement de nouveaux membres ».

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Commentaires

Noyor
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Je suppose qu'il s'agit de Qnet

Fotso Fonkam
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Oui, pour le cas dont je parle dans l'article. Mais par la suite j'ai été approché par plusieurs personnes notamment sur les réseaux sociaux qui me proposaient d'autres sociétés qui font également dans le marketing de réseau. Mais étant déjà vacciné je ne leur ai pas donné l'occasion d'exposer leurs arguments.

Le Varan du Kwat
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Ce qui me fait mal, c'est que les produits achetés n'ont aucune valeur réelle pour la plupart du temps

Fotso Fonkam
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En plus tu verras ceux qui les utilisent négliger par exemple l'hôpital parce qu'ils sont convaincus que leur pendentif les préserve de toute maladie. Ces produits peuvent avoir des conséquences dramatiques

Noelle
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Bjr. C'est le coté esclavage qui me dérange. Pour les produits de santé et de bien être il faut les écouler chaque semaine et les reunions sont tenues au moins 2 à 3 fois par semaine. C'est de l'esclavage. On a plus de vie. Et S'il vous plait c'est pas moins cher !

Passibel
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Tu as très bien resumé les choses. C'est vrai que jusqu'ici je ne faisais pas la difference mais je trouve qu'au final le négatif l'emporte dans les 2 sytèmes : que ce soit le harcèlement et l'endettement pour le marketing de reseau ou l'effondrement du systéme pour la pyramide de Ponzi

Fotso Fonkam
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En fait, le système de Ponzi est un système mis sur pied pour arnaquer les gens, contrairement au marketing de réseau. Maintenant, c'est peut-être la façon dont on le pratique chez nous qui est mauvaise. Mais comme j'ai dit à la fin, on peut aisément confondre le marketing de réseau et la vente pyramidale (où les bénéfices dépendent des recrutements plutôt que de la vente), qui est, elle aussi une arnaque

Eli
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J'avais un collègue friand de ce système et qui me prospectait sans relâche. Je n'ai jamais cru en ce genre de système. La plupart de ces systèmes de vente pyramidale disposent d'une plateforme électronique qui peut connaitre des dysfonctionnements ou cesser de fonctionner. Les avantages miroités sont souvent attrayants mais restent chimériques. Bonne analyse.