On fera pire que le Congo
Lors de la récente élection présidentielle qui s’est déroulée au Congo Brazza, beaucoup d’entre nous ont été écœurés de ce que, durant le scrutin et même après, le pouvoir en place a décidé de couper les communications (appels, SMS, internet, etc), empêchant ainsi tout contact autant l’intérieur qu’avec l’extérieur du pays. Ceux qui avaient espéré que l’exemple Béninois soit suivi se sont bien foutu le doigt dans l’œil. Pourtant, ce qui est en train de se passer actuellement au Cameroun laisse croire que Biya l’Empereur va damer le pion à Sassou dans la compétition du plus grand démocratueur qui se déroule actuellement en Afrique francophone.
Pas plus tard que mardi dernier, le 29 mars, la police a empêché la tenue d’une conférence de presse organisée par le mouvement « Stand Up For Cameroon », une coalition formée par quelques partis de l’opposition pour s’insurger contre une probable révision constitutionnelle en vue de l’anticipation de l’élection présidentielle. À grands renforts de lacrymogènes et de véhicules anti-emeute, les hommes en tenue ont dispersé les participants et arrêté une soixantaine de personnes venues pour l’évènement.
Ce matin encore, 31 mars, c’est une cérémonie en hommage aux victimes de la guerre contre le terrorisme, organisée à Yaoundé toujours, qui s’est vue interdite, et le lieu de l’évènement investi par la police anti-émeute. Le motif de ces interdictions ? « Pour nécessité de l’ordre public » indiquent les sous-préfets… En un mot, les camerounais ont désormais interdiction de se rassembler ou de se concerter. Sauf bien sur si c’est pour signer les motions de soutien et les appels à candidature du président, bien sûr. Car jamais aucune de ces réunions n’a été interdite pour quelque motif que ce soit.
La cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme prévue à la Fondation Muna ce jour a été interdite. pic.twitter.com/7eqkWmZJ3Z
— Florian Ngimbis (@ngimbis) 31 mars 2016
Quand on sait que l’élection présidentielle Camerounaise est censée se tenir en 2018 – c’est-à-dire dans plus d’un an –, et quand on se rend compte que la répression et le musellement de l’opposition (qui n’a pas commencé aujourd’hui) deviennent de plus en plus ouverts, ça fait évidemment craindre pour la période électorale. Ne soyons pas étonnés que l’opposition soit, sous prétexte de « nécessité de l’ordre public », interdite de battre campagne pour la présidentielle.
Ne soyons pas étonnés que plus on avance vers cette élection « certaine mais lointaine » comme a dit le Roi une fois, les droits des citoyens soient de plus en plus bafoués, que les gens soient de plus en plus intimidés. Même pendant la marche pacifique pour dénoncer le drame de l’hôpital Laquintinie de Douala, la police a fait une descente sur les lieux et des citoyens ont été arrêtés et détenus. Le régime, semble prêt à tout pour garder les esprits sous contrôle.
Il y a une chose qu’on doit reconnaître à Biya, il a l’esprit d’anticipation (et ce n’est pas seulement avec l’élection présidentielle de 2018 qui veut anticiper). En 2008, il a modifié la constitution pour faire sauter la limitation des mandats. C’était trois ans avant la date du scrutin, pour que toute rébellion aie le temps de s’apaiser avant la date fatidique.
Aujourd’hui, le scrutin de 2018, qui est entaché par plusieurs scandales et revendications populaires, semble encore plus crucial que tous les autres. Et même s’il y a de grandes chances que Biya l’emporte (j’en parlerai certainement dans un autre billet), le Nkunkuma préfère mettre toutes les chances de son côté, en mâtant tout velléité d’opposition longtemps avant l’échéance.
Telles que les choses se présentent au Cameroun, on est en droit de s’attendre à une montée en puissance de la violence entre le pouvoir et l’opposition qui semble décidée à ne pas se laisser faire. Il est donc craindre que, d’ici la date du scrutin, le régime Biya surpasse Sassou Nguesso en terme de privation de libertés, de répression des manifestations, et je parie que la coupure des communications ne sera qu’un moyen parmi plein d’autres qui seront déployés.
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