Des écoles, c’est tout ?
Au Cameroun, si on demande au ministre de l’Education nationale de faire son bilan avant d’aller finir ses jours à Kondengui, je suis prêt à parier que, tout fier, il citera avec empressement les écoles qu’il a ouvertes dans les coins reculés du pays. Il citera, je n’en doute pas, ces collèges d’enseignement secondaire (CES) de brousse qu’il a transformés en lycées. Et il conclura en disant qu’il a œuvré pour que tous les jeunes Camerounais aient accès à l’éducation. Pourtant, moi je dis que s’il n’a fait que créer des écoles, alors il n’a rien fait, absolument rien fait.
Le constat qu’on peut facilement faire au Cameroun, c’est qu’en effet rares sont les villages dans lesquels on ne trouve pas au moins un établissement scolaire. Pourtant, si on essaie d’évaluer la qualité de l’enseignement dispensé dans ces établissements, eh bien on risque de tomber des nues. Oui parce que, dans la plupart des cas, les conditions de vie dans ces endroits sont telles que même l’enseignant le plus motivé finit par se décourager.
L’année passée, par exemple, j’ai été affecté dans la région du Sud-Cameroun. Inutile de dire que la délégation régionale, faute de « tchoko », m’a envoyé dans un de ces établissements créés pour que les enfants des zones rurales aient accès à l’éducation.
Dans le village où l’établissement est situé, il n’y a pas de maison à louer, pas d’eau potable, pas de marché où se ravitailler, pas de centre de santé, pas d’électricité constante (la lumière revient parfois à 19 heures, et parfois pas), pas de route. La ville la plus proche, qui est en fait un grand village, est à 1500 francs. Et pour y aller, il faut encore être chanceux de voir une moto passer dans le coin. Et s’il pleut, impossible de se déplacer, car la route devient impraticable.
Pourtant, il y a des écoles là-bas, un lycée et une école primaire et maternelle. Rien d’autre.
Un enseignant affecté dans une zone pareille, déshéritée, comment fait-il pour se rendre à l’établissement où il doit enseigner ? Où trouve-t-il la motivation nécessaire pour faire correctement son travail ? Pourquoi devra-t-il être assidu, lui qui dépense près du quart de son salaire chaque mois dans les transports pour aller enseigner, en plus du loyer qu’il paye ailleurs ? Peut-on lui en vouloir de chercher les « réseaux » pour se faire muter ailleurs le plus rapidement possible ?
Nos ministres, qu’on appelle excellence sans qu’ils n’excellent jamais dans aucun domaine, devraient garder à l’esprit que pour que l’enseignement se fasse, il ne suffit pas de créer des écoles. Il faut beaucoup plus que ça : il faut aussi et surtout prendre des mesures pour rendre la vie acceptable à ceux qui vont aller y dispenser le savoir.
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