Idriss Deby : sauveur ou visionnaire ?
Il y a deux jours, on apprenait que le président tchadien Idriss Deby Itno allait envoyer un contingent de l’armée tchadienne en renfort à l’armée Camerounaise qui depuis un bon bout de temps, est aux prises avec les membres de la secte islamique Boko haram dans l’extrême-nord du pays. Les Camerounais, champions des polémiques, ont immédiatement déclaré que le Cameroun avait perdu, ou allait perdre la guerre contre les terroristes, et que c’est la raison pour laquelle le président Paul Biya a fait appel à son homologue tchadien. Mais à bien y refléchir, Idriss Déby est-il un sauveur ? Ou alors simplement un visionnaire ?
Deby, le sauveur
L’armée tchadienne est à mon avis de profane, l’une des plus efficaces ou du moins l’une des plus craintes dans la sous-région. Spécialistes des zones sahéliennes (dit-on), on les a vus se déployer efficacement au Mali lors du récent conflit entre l’armée malienne et les rebelles du Mujao. Même si leur intervention en RCA a été écourtée à cause de plaintes des populations, il n’en demeure pas moins vrai que le Tchad est un pays qui se montre toujours disponible quand d’autres états sont en difficulté.
Aujourd’hui, le Tchad au grand cœur vole au secours du Cameroun, après l’attaque fulgurante de Baga et la prise d’un camp militaire – que le président Deby s’est promis de reprendre aux assaillants. Véritables sauveurs, l’arrivée des soldats tchadiens au Cameroun a été saluée par les populations camerounaises soulagées, qui connaissent la réputation de cette armée. Des sauveurs. Oui, l’intervention tchadienne sera un sacré coup de pousse donné à l’armée Camerounaise. D’ailleurs, je pense que ce sera décisif dans le dénouement de cette guerre.
Les camerounais seront donc « sauvés » par l’armée tchadienne, c’est évident, car l’armée tchadienne possède une force de frappe non négligeable qui nous sera sans doute très utile. Cependant, j’ai le sentiment que monsieur Déby, s’il est prêt à aider, est surtout un visionnaire.
Deby, le visionnaire
Une chose que nous ne devons pas ignorer dans le conflit qui oppose le Cameroun et Boko Haram, c’est que certains affrontements se passent à la frontière que le Cameroun partage avec le Tchad. Et c’est un détail qui a semblé échapper au président Camerounais à l’époque où les islamistes attaquaient le Nigeria et courraient se refugier au Cameroun. Personne ne se doutait qu’un jour, ces individus se seraient attaqués à nous. Alors, au lieu d’apporter notre aide au voisin en difficulté, nous nous sommes faits complices passifs des assaillants en restant les bras croisés.
Le président Deby, heureusement, a anticipé tout cela. Un groupe terroriste a, dans la plupart des cas, vocation à s’étendre. Et Boko Haram a prouvé qu’il ne dérogeait pas à la règle en s’attaquant au Cameroun après avoir enfoncé ses racines au Nigéria. Il ne faut donc pas être sorcier pour deviner qu’après le Cameroun, ces derniers allaient s’attaquer à un autre pays.
En s’attaquant aux islamistes dès maintenant, le Tchad anticipe une éventuelle attaque que Boko Haram pourrait mener contre eux, si jamais ils parviennent à s’installer à l’Extrême-nord Cameroun – c’est une hypothèse à envisager, malgré les victoires que notre armée remporte sur les terroristes depuis le début du conflit.
En entrant dans le conflit, Idriss Deby sauve éventuellement la vie à plusieurs Tchadiens. Oui, je dis bien à plusieurs Tchadiens. Si le Cameroun avait aidé le Nigéria à se débarrasser de Boko Haram à l’époque, plusieurs de nos compatriotes n’auraient jamais péri égorgés comme c’est le cas presque tous les jours maintenant, simplement parce que les combats se seraient déroulés au Nigéria et les dommages collatéraux auraient été au frais des Nigérians. Et, Ndjamena étant très proche de Kousseri, une occupation de l’Extrême-nord Cameroun serait très dangereuse pour le Tchad, sans compter que le Tchad pourrait se retrouver asphyxié si le transit de marchandises entre les deux pays s’interrompt.
Pour conclure, je dirai que l’implication du Tchad dans ce conflit ne signifie pas la faiblesse ou bien l’inefficacité du Cameroun à combattre Boko Haram. C’est simplement la preuve que le président tchadien est un homme avisé qui a su anticiper l’arrivée de Boko Haram sur son propre territoire. L’union faisant la force, il ne nous reste plus qu’à espérer que d’autres pays et surtout le Nigéria, se reprenne et rentre à fond dans le conflit, pour une éradication totale et complète de la vermine qu’est Boko Haram.
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