Donc les Camerounais aussi sont Charlie ?

Article : Donc les Camerounais aussi sont Charlie ?
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9 janvier 2015

Donc les Camerounais aussi sont Charlie ?

Ma mère nous racontait autrefois que sa grand-mère, après la mort de son mari, avait pris l’habitude pour le moins étonnante de s’arrêter systématiquement à chaque deuil qu’elle rencontrait et d’y aller pleurer le mort, qu’elle le connaisse ou pas. J’imagine la surprise des familles endeuillées en voyant débarquer une inconnue qui pleure leur mort plus fort qu’elles-mêmes. Nous en avions ri, à l’époque. Aujourd’hui, ça me fait moins rire, surtout quand je vois mes compatriotes se comporter comme mon arrière-grand-mère – ils font même pire qu’elle – avec la mort des journalistes de Charlie Hebdo.

« Nous sommes tous Charlie »

La réponse du monde entier a été fulgurante face à ce triste événement. Sur les réseaux sociaux, on a vu des photos de profil, des statuts, des tweets dans lesquels on pouvait lire « Je suis Charlie ». Même dans les journaux et sur les chaines de télévision, les marques de solidarité abondent. Au Cameroun, nous avons suivi la tendance, changeant nos photos de profil, écrivant des mots de condoléances, nous lamentant et maudissant les terroristes.

Ce qui est pourtant étonnant, c’est que, pas plus tard que la semaine passée, plusieurs Camerounais ont été égorgés à l’extrême-nord du pays par les terroristes appartenant, paraît-il, à la secte faussement islamiste Boko Haram. Combien de nos enfants, parents, amis, frères, sœurs, etc., combien de nos compatriotes ont été victimes d’attentats ? Combien de soldats sont morts au front, tombés sous les balles ou bien sous les lames des terroristes ? Combien ? Quelle a donc été la réaction du monde ? Quelle a été la réaction de l’Afrique ? Pire, quelle a été la réaction du Cameroun ?

Je ne suis pas Charlie

La grande majorité des Camerounais et même des Africains sont comme mon arrière-grand-mère : ils ont plus tendance à pleurer le deuil des autres, criant même plus fort que ces derniers, se lamentant avec plus de chagrin. Pourtant, leurs propres corps sont abandonnés, oubliés. Pourtant, leurs larmes coulent à peine à leurs propres deuils, et leurs corps sont enterrés dans l’indifférence totale.

Moi, je ne suis pas Charlie. Non. Je serai peut-être Charlie, après avoir été tous ces camerounais égorgés au nord de mon pays. Je serai Charlie, après avoir été ces enfants qui fuient avec leurs parents, de peur de recevoir une balle qu’ils ne méritent pas. Je serai Charlie, mais seulement si je peux avant tout être ces soldats qui périssent chaque jour pour leur pays. Je serai peut-être Charlie. Mais avant, je me dois d’être Kolofata, Achigachia, Amchidé, Fotokol.

Je serai Charlie si, après avoir été chaque Camerounais, chaque Africain qui souffre, j’ai encore un peu de place.

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Commentaires

Ulrich Tadajeu
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En plus, qui est Charlie pour eux?

Link
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Être Charlie ne signifie pas soutenir ces dessins, Être 'Charlie' c'est prendre conscience du risque d'être tué pour ce que tu dis, défend, représente, ou simplement être au mauvais endroit au mauvais moment, être Charlie c'est tout simplement savoir que personne n'est à l'abri du terrorisme. Maintenant la tendance et la vitesse de l'internet à voulu que ce soit le slogan 'être Charlie' qui prenne l'hégémonie. Mais en étant Charlie nous sommes aussi kolofata, Bagdad, le Nigeria, Sydney, le Yémen... En gros nous sommes aussi toutes ces victimes d'attaques terroristes qui passent si souvent inaperçu dans l'opinion publique.

Fotso Fonkam
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Être Charlie c'est être Kolofata? Ce n'est pas l'impression que j'ai. Les atrocités qui se passent en Afrique ne semblent intéresser personne, même pas les Africains. Et pourtant, les africains sont les premiers à manifester leur sympathie pour les malheurs de l'occident (cf Yayi Boni qui a décrété une journée de deuil national par exemple).
Je ne condamne pas le fait de manifester sa sympathie même à ceux qui ne font pas pareil pour nous, mais je suis contre le fait d'être insensible a ses propres malheurs, mais de pleurer les deuils des autres.

renaudoss
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bien Dit!
moi je ne suis pas charlie, je ne les ai jamais vraiment ceux là, ce n'est pas maintenant qu'ils se sont fait massacrer qu'on va s'y mettre, avec 6 millions de congolais morts, les gens morts sous les coups de boko haram, les naufragés de lampedusa, etc etc etc j'ai assez être comme ça

Olivier FONKAM
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Bjr mon petit frère, c pas facile de t'avoir par phone; Bien!!!! sans te contredire , je voudrais juste dire que ma grande mère n'avait pas tord dans le fond;
Simplement " être charlie" n'a rien à voir avec un pays djihadiste comme la FRANCE , mais c'est adhérer à un mouvement de mécontentement face aux dérives de nos sociétés et des négationnistes de la vie. Dans tous les pays,ce mouvement est lancé par les politiques alors que font les nôtres???!!!!
J’adhère au soutien de nos forces de défenses dans la lutte contre Boko haram

Olivier FONKAM
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Link, merci de compléter ma pensée

Fotso Fonkam
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Comme je l'ai dit à Link, on ne saurait ignorer les morts de l'Afrique pour pleurer ceux de la France. Voilà ce qui crée mon indignation. Combien de journalistes sont morts en prison au Cameroun? En Afrique? Qu'est-ce que les Africains ont fait contre cela? Ici, j'accuse les Africains en général qui laissent toujours leurs maisons dans la merde pour aller nettoyer celles des autres.

Lopsiwa
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Mon cher Willfonkam, tous mes voeux les meilleurs pour cette année 2015. J,ai toujours eu l'impression que toi et moi, nous communiquons par télépathie. Tu dis par moments tout haut ce que je pense tout bas. Eh bien!C'est lorsque l'on est directement concerné par un événement malheureux qu'on connait la vraie signification de la douleur. Une partie de l'Afrique subsaharienne, plus précisément mon pays le Cameroun est témoin depuis quelques mois de boucheries humaines et d'exactions, laissant plusieurs familles dans le deuil et dans la désolation.Bah!Ce sont les singeries de l'Afrique. Mais aujourd'hui, il a fallu à certains de vivre en direct ces exactions et ces boucheries pour qu'on en appelle à une manifestation mondiale, invitant chacun à se lever et clamer haut et fort ''Je suis Charlie''.
N'importe quoi!

Fotso Fonkam
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Merci, Lopsiwa. Bonne année à toi aussi.
Je me réjouis de savoir que nous sommes nombreux au Cameroun et en Afrique à ne pas faire passer les morts des autres avant les nôtres.