« Cher collègue, bienvenue en enfer » (Première partie)

Article : « Cher collègue, bienvenue en enfer » (Première partie)
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10 novembre 2014

« Cher collègue, bienvenue en enfer » (Première partie)

Quand mon nom est apparu sur la liste des enseignants mutés pour le compte de l’année scolaire 2014 – 2015, j’étais ivre de joie. Oui, car quand on a sa famille à plus de 1000 km de soi, c’est clair qu’on n’est pas à l’aise. Bref, passons. Sur la liste donc, mon nom apparaissait deux fois, et j’étais muté dans deux régions différentes. Puisque dans ma demande de mutation j’avais sollicité la région du centre, j’ai naturellement ignoré la note qui m’envoyait dans la région du Sud. J’ai donc fait un voyage pour mon lieu d’affectation au Centre, le lycée bilingue de Nguila. Expérience bouleversante (racontée ici). Par la suite, ayant appris que j’avais également été envoyé dans un lycée dans la région du Sud, j’ai jugé bon d’y aller, pour pouvoir effectuer un choix par la suite. Voici le récit de mon périple dans le Sud-Cameroun.

Mardi, 6 heures. Je me réveille difficilement – ok, j’avoue, ma sœur a encore dû me secouer sans ménagement pour que j’ouvre les yeux. Donc, je me lève, je fais un tour rapide à la douche, je ramasse mes effets et me voilà en route. Direction Mvan. Arrivé à Mvan, je me précipite au guichet pour acheter un ticket. Un peu perdu, je demande aux guichetières si le bus pour Ébolowa est déjà prêt. « Attendez l’annonce », fait l’une d’elles, sèchement. « Merci, madame », lui dis-je. Elle ne bronche pas. Impolie comme ça !

Je commence alors à attendre l’annonce. Le temps passe. Il est déjà 7 heures 30 et on ne fait que charger les bus pour d’autres destinations. Heureusement, il y a une salle d’attente. Je n’assois donc, et pour faire passer le temps, je commence à manipuler mon téléphone. Je suis très absorbé par cette tâche, jusqu’au moment où, je ne sais pas pourquoi, je regarde près de moi. Une demoiselle est assise en mini-jupe et haut décolleté, attendant certainement un départ, avec ses bagages près d’elle.

Sa chevelure attire cependant mon attention : elle est ébouriffée, négligée. Et ses sacs alors… Vieux, sales, usés. Elle était là, très calme, avec en main un papier écrit en chinois qu’elle semblait lire et traduire, parce que de temps en temps elle notait quelque chose dans ce qu’il m’a paru être une bible. Curieux, j’ai jeté un coup d’œil à ce qu’elle notait sur les parties non imprimées de sa Bible. C’était peut-être du russe, car ça n’avait aucun sens. Je m’éloigne d’abord un peu d’elle. En jetant un coup d’œil furtif sur son visage, je crois apercevoir… une moustache ! C’en était trop pour moi. J’ai abandonné le siège immédiatement. Avec tous les bancs qu’il y a dans cette salle, il a fallu que j’aille partager celui d’un(e) dérangé(e) mental(e) ! C’est comme ça que la malchance commence souvent.

Je me lève donc, et je commence à vadrouiller dans la salle, non sans avoir vérifié que ma voisine était bien barbue – elle l’était bel et bien. En passant devant le guichet, la dame de tout à l’heure me demande d’aller m’asseoir. Je ne la gère même pas. Mouf ! Chassez d’abord toutes les folles que vous hébergez ici !

8 heures. On charge toujours les bus, mais pas celui d’Ébolowa. Certains passagers commencent déjà à manifester leur impatience. Apparemment, on nous a écoutés. Une trentaine de minutes plus tard, un bus « gros porteur » vient garer et les clients s’y précipitent. Rapidement, on embarque et chacun choisit sa place. J’entre parmi les premiers, et je m’installe sur la rangée de droite, qui n’a que deux rangées de chaises. Mal m’en prend : quelques minutes après, je vois une ndjim mémé* s’avancer vers le siège d’à côté. En s’asseyant, elle occupe son siège plus la moitié du mien. Vraiment, ce voyage s’annonce plaisant. Je songe à changer de siège, mais je ne bouge pas.

Tout le monde est à bord, et le bus quitte lentement la gare. Serré contre la vitre, obligé de regarder le paysage, je prie pour qu’on arrive très vite. Puis, comme d’habitude, je m’endors tandis que nous prenons la route d’Odza, à la sortie de Yaoundé. Cap sur Ébolowa…

Ndjim mémé : Femme de forte corpulence

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Commentaires

Gilbert Lowossou
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Tres beau récit! en attente pour la suite

Fotso Fonkam
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Merci, Gil. La suite, c'est vendredi.

Nicky
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J'ai pas mal ri, on dirait une œuvre imaginée mais ironiquement vraie

Fotso Fonkam
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Ravi que ça t'aie plu. Et merci d'être passée.