Au Cameroun, on est des académiciens
J’aime le français, hein. Surtout le français camerounais, celui-là qui ne suit pas à la lettre les règles grammaticales fixées par les académiciens. Au Cameroun, nous avons nos propres règles, que ce soit en grammaire ou bien en orthographe. Même en vocabulaire, nous faisons la loi. Si vous conversez avec un camerounais, mettez de côté tous ce que vous avez comme savoir, parce que sinon vous courrez le risque de ne pas le comprendre. Voici quelques expressions avec leur sens camerounais :
Marier, verbe transitif direct : Généralement, vous entendrez un camerounais dire, « Mon meilleur ami que tu connais-là a marié sa femme hier. » Ne criez pas au scandale hein. Parce que si vous le faites, vous serez traités d’inculte et de villageois. Car chez nous, en français camerounais, « marier » est synonyme d’« épouser ». Ça signifie en même temps « donner en mariage » et « prendre pour femme ». Le français est plus simple quand on parle camerounais, c’est cair.
Enceinter, verbe transitif direct : Un autre verbe que vous trouverez en abondance dans la bouche des Camerounais, c’est le verbe enceinter. On dira chez nous, « Est-ce que tu sais que le petit gars-là a enceinté la fille du voisin ? » Tant pis pour les longs-crayons*, s’ils se mettent à chercher leurs dictionnaires. Nous on a compris que le petit gars a mis la fille enceinte. C’est très simple : on prend un nom ou un adjectif, on y ajoute un ‘r’ ou bien un ‘er’ et voilà. On a un nouveau verbe. « Engrosser », ça c’est pour les blancs…
Estomac, nom commun de… maladie : Le jour où un Camerounais vous parlera de sa maladie en disant « Depuis deux ans, j’ai l’estomac », ne lui répondez pas, étonnés, que vous aussi en avez un, et que vous n’en souffrez pas ! Ce sera une moquerie, une insulte – que vous pourrez faire oublier avec quelques bières, heureusement. Oui, parce que chez nous, l’estomac (le C de la fin est prononcé, sinon ce n’est plus le même mot), c’est une maladie. « Ulcère gastrique » que j’entends dans les films là n’existe pas dans le dictionnaire camerounais.
Cadeauter, verbe transitif direct ou indirect, c’est selon : c’est bientôt les fêtes, donc si votre sœur qui vit au Cameroun vous demande, « tu vas me cadeauter quoi pour Noël ? », ne feignez pas l’incompréhension. Dites-lui ce que vous lui offrirez comme cadeau – n’oubliez pas la formule magique, nom + er = verbe. Il existe une variante de ce verbe, que j’ai découverte dernièrement à Maroua. Certains de mes élèves disaient cadonner (je ne suis pas sûr de l’orthographe, hein). Mes élèves m’ont expliqué que c’est la combinaison de « cadeau » et de « donner ». Impossible d’être plus clair.
Pioncer, verbe transitif direct : voici l’un des verbes les plus utilisés par les jeunes au Cameroun. Je l’entends très souvent en classe, dans la cour de l’école, au quartier, partout, quoi. Et c’est généralement dans des phrases du genre « Le prof d’anglais me pionce déjà avec les devoirs qu’il donne chaque jour-là. » Si vous dites à un jeune d’ici que vous voulez aller pioncer parce que vous êtes très fatigués, il vous regardera avec des gros yeux pleins d’étonnement. Et c’est normal, parce qu’en français camerounais, « pioncer » signifie « énerver », « mettre en colère ». Pas dormir.
Voila un peu quelques expressions du français camerounais triés sur le volet. La liste n’est pas exhaustive, hein. Venez au Cameroun, vous allez vous régaler.
*Un long-crayon, c’est quelqu’un qui a fait de longues études.
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