Ma salle de classe, comme si vous y étiez

22 septembre 2014

Ma salle de classe, comme si vous y étiez

Bienvenue au cours d’anglais dispensé aux élèves francophones

Un enseignant en classe - Crédit photo: www.rfi.fr
Un enseignant en classe – Crédit photo: www.rfi.fr

Le métier d’enseignant est parmi les plus critiqués au Cameroun, et c’est certainement le plus dénigré aussi. Un ami m’a un jour dit, « Vous vous plaignez même pourquoi, vous les enseignants ? Votre travail là est très facile. Il suffit seulement d’aller en classe et de bavarder pendant une ou deux heures avec les élèves. C’est difficile ? Et en plus, vous avez trois mois de vacances chaque année. Votre salaire là est même trop élevé, hein. On vous paye pour rien. » Je me suis abstenu d’argumenter, regrettant de ne pouvoir l’emmener dans l’une de mes classes pendant quelques heures, pour qu’il goûte un peu à la facilité qu’il venait de décrire.

Aujourd’hui, c’est décidé : je vous emmène avec moi en classe, pour que vous puissiez découvrir mon univers, et faire l’expérience de l’enseignement.

Préparation

Étape la plus importante du cours, la préparation se fait à la maison. Je sais, vous avez hâte qu’on soit en classe, mais sans avoir rien préparé, c’est du suicide pur et simple. Pour une leçon d’une heure, une préparation prend au moins une heure. Vous avez bien lu : une heure de préparation pour une heure de cours. Au moins. Donc, étant donné que nous avons une à préparer, nous devons commencer par définir un objectif à notre cours. Que voulons-nous que l’enfant sache – et qu’il ignore pour le moment – à la fin de cours ? Une fois ce point résolu, il nous reste à définir des objectifs intermédiaires. Comment allons-nous cheminer pour que l’élève découvre et apprenne cette notion ? Si c’est fait, alors on peut commencer à meubler les différentes étapes de la leçon. « Les étapes ? Les étapes comment ? » Oui, les étapes. Une leçon est un processus méthodique, sans aucun élément superflu ou inutile. Il n’est certainement pas question de venir en classe blablater avec les élèves pendant l’heure de cours. Donc, nous avons déjà notre OPO (Objectif Pédagogique Opérationnel) et nos OPI (Objectifs Pédagogiques Intermédiaires). Il nous reste les étapes de la leçon et les contenus. La plupart du temps, le déroulement de la leçon passe par les mêmes étapes :
– L’introduction pendant laquelle on met les apprenants en condition. On les prépare à recevoir la leçon du jour. Dit comme ça, ca parait aisé. Essayez de le faire, et vous comprendrez la difficulté.
– La présentation pendant laquelle on aide les apprenants à acquérir la notion qu’on a préparée pour eux.
– L’application qui nous permet de fixer les savoir chez l’élève en lui permettant d’utiliser librement la structure enseignée
– L’évaluation qui nous donne un aperçu du travail abattu, nous permet d’évaluer le degré d’atteinte de l’objectif fixé pendant la préparation.
Si tout ceci est fait, alors, nous sommes prêts à entrer en classe.

Enseignement, évaluations, corrections

Relativement plus aisée que la première, cette phase n’est pas pour au autant une partie de plaisir. Nous sommes en classe, il faut mettre de l’ordre, car les élèves ne se taisent jamais sans y être forcés. Mais il faut le faire avec suffisamment de tact pour ne pas les frustrer, de peur de vous retrouver isolé, à faire votre cours pour vous seul. Bravo, la classe est silencieuse. C’est à vous, je vous cède la place. C’est le moment de parler, ou mieux, de faire parler les élèves c’est ça, le plus compliqué. Il faut emmener l’élève à faire la leçon lui-même. Généralement, on se sert d’un corpus, d’images, d’objets réels, de dessins… Parfois même, vous devenez chanteur, danseur, comédien pour que les bougres comprennent quelque chose, et ça ne marche pas toujours. « Malchance ! » Vous transpirez à grosses gouttes, suffoquez, menacez, suppliez. Enfin, un ou deux doigts se lèvent et donnent de mauvaises réponses. « No ! It is not correct ! » Vous réexpliquez, rien. Ils n’y comprennent rien, et la classe redevient bruyante. Non seulement ils sont 150 en classe, mais en plus on dirait que vous êtes le premier enseignant d’anglais qu’ils voient de toute leur vie. N’oubliez pas de vous renseigner sur la moyenne qui permettait d’avoir le probatoire l’année précédente ! Puis, en désespoir de cause, vous expliquez la notion. En français. Là, tout le monde comprend, ou fait semblant. Ahaaaan, donc c’était ça que vous expliquiez depuis-là ?

Parce que vous courrez derrière le temps, vous zappez l’application et passez à l’évaluation. D’ailleurs vous allez ramasser les copies pour les corriger à la maison. Et voilà votre week-end qui vient d’être plombé. Adieu, le repos ; adieu, la détente. Ce sera un week-end de corrections. Vous prenez le cahier de texte, vous demandant ce que vous y ferez figurer, quand a sonnerie retentit, un collègue attend à la porte que vous libériez les lieux. En sortant, vous lui souhaitez bonne chance. Surpris, il ne dit rien. Il comprendra tout à l’heure.

J’ai toujours rêvé d’emmener un parent dans ma classe et de lui céder ma place, pour une seule heure. Voici un peu ce que je prévois comme résultat. Mais bon, il n’est pas interdit de rêver. Comme on le dit chez moi, le travail de l’autre est toujours très facile. Je pense que si chacun balaie sa cour, le village entier sera propre. On devrait respecter chaque profession, de même que ceux qui les exercent.

P.S. : Ok j’avoue, J’ai un peu exagéré. Les cours ne se passent pas – toujours – de cette façon, surtout quand on les a bien préparés au préalable. Il n’en demeure pas moins que c’est un exercice difficile auquel on s’adapte au fil des ans. À bientôt pour la fête de l’enseignant(e), le 05 octobre. Un autre volontaire fera un cour de lecture dans un classe où il y a 3 livres pour 130 élèves 😉

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